En 1937, alors que j’étais élève de sixième à l’U. S. J., j’ai été puni d'une retenue pour la deuxième fois, pour une faute que j’ai complètement oubliée. Comme on dit: "une fois n’est pas coutume."
Le jeudi après-midi, je me présente dans la classe des punitions où je suis reçu par un étudiant en classe de Philo, un certain Charles Hélou, qui m’indique d'un air très sévère de m'installer à l'écart des autres élèves.
Il m’oblige à écrire cent fois: "Je dois être correct avec les surveillants."
En 1955, à l’occasion du 25ème anniversaire du Cercle de la Jeunesse Catholique, Evelyne et moi, sommes invités à l’Hôtel Carlton, par le Président de ce Cercle: Charles Hélou. (voir le blog # 36)
Charles Hélou, celui-là même qui m’avait surveillé pendant ma retenue en 1937. Il se trouvait être l'animateur de la soirée,
Après un speech de circonstance, il invite toute l’assemblée à participer à la loterie organisée pour les œuvres de bienfaisance
Quand il approche de notre table, il me reconnaît tout de suite, et en me faisant un clin d’œil, me dit : "alors c'est maintenant ta femme qui te surveille?" Mes souvenirs du collège me sont revenus immédiatement en mémoire.
Thérèse F., membre des Restos du Cœur, emmenait Evelyne presque quotidiennement dans sa voiture, pour l’aider à servir les 40 repas aux nécessiteux.
Une fois la distribution terminée, la salle se vide, et Evelyne voit arriver
Charles Hélou, le président d’honneur du Resto.
Il reconnaît Evelyne, l’invite à s’asseoir à côté de lui pour partager le repas, celui-là même qui avait été servi précédemment aux 40 malheureux, et lui demande si son mari Sérop, lui "créait" des histoires.
J’étais très surpris par la simplicité de Charles Hélou, en tant que bienfaiteur, très proche du peuple, très attachant.
Les années passent… Un beau jour, en 1964, je vois une grosse Mercédès s’arrêter devant le trottoir de la librairie.
Je vois en sortir Charles Hélou, futur président de la République Libanaise, qui se dirige vers la porte d’entrée de l’immeuble mitoyen à la libraire.
Très étonné, j’appelle le concierge, pour lui demander à quel étage l’ascenseur s’est arrêté. Il me répond: "Au troisième étage".
Une demi-heure plus tard, je vois entrer Charles Hélou à la librairie. Il me demande gentiment de lui réserver chaque mois les deux derniers romans policiers sortis, ainsi que les dernières parutions de livres plus sérieux.
Au début de chaque mois, le chauffeur venait retirer les livres.
Avant de quitter la librairie, il me propose de rencontrer sa belle sœur qui se trouve au 3ème étage de l'immeuble. Elle a été très grièvement blessée suite à une mauvaise chute. Il me demande par la même occasion, de lui tenir compagnie.
Le lendemain, je grimpe les trois étages, et je suis reçu par cette dame dont le corps entier était recouvert de bandages.
Devant elle, se trouve une tablette avec quantité de fils électriques, ainsi que des témoins lumineux de sonneries lui permettant de rester en contact avec l’extérieur.
Je suis très troublé devant son calme. Elle ne se plaint pas, et avec un sourire avenant, elle m’invite à m’asseoir. Elle me prie de l’excuser de la liberté prise par son beau-frère, Charles.
Je me sentais mal à l’aise devant cette dame étendue, d’une élégance et d’une gentillesse parfaites.
Elle voulait que je sois son public et si possible, que je vienne lui tenir compagnie et lui donner mon avis sur les derniers livres parus etc...
Grâce à ces visites, j’entrevoyais un monde nouveau dont j'ignorais totalement l'existence.
Je ne me souviens pas du nombre de visites que j’ai eu l’occasion et la chance de lui faire. C'était devenu pour moi un devoir de remonter le moral de cette dame étendue, immobile.
Je ne me souviens plus comment ces rencontres ont pris fin.
Quelques années plus tard, la guerre reprenait ses droits.
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