En 1963, nous avions décidé de passer dix jours de vacances sur l’île de Thassos, au sud de la Grèce, en compagnie de deux autres familles et de leurs enfants du même âge que les nôtres
Quelques jours avant notre départ, je me rends chez maman, pour l'inviter à se joindre à nous pour cette petite croisière.
Maman était toute seule à la maison. Très heureuse de me recevoir, nous nous installons au balcon dominant l'Église de la Paroisse Arménienne Catholique. Juste devant l'église, une station de Taxis attendait 18:00, heure de la sortie des bureaux qui entouraient notre immeuble.
Tout en prenant le café, je lui fais part de notre invitation. Je venais d’acquérir une Mercédès, il y avait donc assez de place dans la voiture.
-"Maman, nous serons certainement obligés de passer une nuit à Adana. Tu auras ainsi l’occasion de visiter ta ville natale, et ça sera aussi une occasion de nous montrer ton terrain."
-"Non, je refuse, on me fera du mal."
-"Mais maman cela fait longtemps, et surtout que ce sont les Turcs qui remplacent les Ottomans. C’est oublié etc.. etc.. Je connais des amis qui sont allés visiter la Turquie, ils m’ont affirmé que tout était oublié."
Rien à faire, elle n’a pas voulu changer d’avis.
-"Mais maman, s'il y avait un danger quelconque, je ne m’aventurerais pas avec mes enfants."
Maman répond :
-"Libre à vous. Si vous avez l’occasion. Allez à notre terrain, et ramenez moi juste un peu de terre."
Ce terrain qui nous appartenait, est situé à Incirlik, à 12 kms à l'est de la ville d'Adana, et accueille des éléments de l'U. S. Air Force, servant de support aux opérations de l'OTAN (voir: Incirlik Air Base)
Je n’insistais pas plus.
A 18:00, heure de sortie des bureaux, je vois un groupe d’employés courir en se bousculant pour arriver les premiers à la station des taxis.
En voyant cela, Maman eut une très forte réaction car le chahut des employés de bureaux lui a fait revivre de très mauvais souvenirs. Elle pensait que c'était un véritable "Sauve qui peut".
Je sens immédiatement les deux mains de maman s’agripper à mon bras, en criant:
"SEROP, SEROP C’EST UN SAUVE QUI PEUT, AS-TU LES PAPIERS? TON PASSEPORT? PRENDS LE MIEN, IL EST DANS LE TIROIR, N’OUBLIE PAS L’ARGENT………"
Je la prends dans mes bras, elle tremblait comme une feuille, tout en pleurant.
C’est avec émotion que j’écris ces quelques lignes. Maman, ma chère maman, 60 ans après, n’avait pas oublié ce triste souvenir.
Bonjour Serop
ReplyDeletenous sommes contents, catherine et moi même, de lire tes textes et
de mieux connaître ainsi ta vie,
la vie d'un Arménien émigré et bien intégré
dans son pays d'accueil.
C'est une vie pleine de richesses quant à la qualité
des relations avec les autres.
nous avons eu la chance de te connaître.
de vous connaître
alain et catherine
Merci Daddy pour cette histoire, je découvre un nouveau chapitre de votre vie, de nos racines, nous comprenons tous les traumatismes qui sont restés profondément ancrés dans le corps et l'esprit de Mammy. Je vous embrasse bien fort !
ReplyDeleteC est qui sur la photo a part Nené très reconnaissable
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