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66. Le 3 septembre 1939: Déclaration de la Grande Guerre

Pour mes vacances de septembre 1939, Aris, mon oncle paternel (papa de Marie-Françoise Delifer), m’avait invité à passer quelques jours dans le beau village de Hammana, où il était en villégiature avec ses 2 sœurs et sa nièce.

Toute la population ne parlait que de guerre. 

Je n'y comprenais absolument rien. Pourquoi tout ce remue ménage?

Lors de la veillée du premier soir, j’ai demandé à mon oncle de m’expliquer un peu ce qui se tramait en Europe.

J’ai compris que l’Allemagne insatiable, se trouvant à l’étroit après avoir occupé la Tchécoslovaquie, voulait maintenant occuper la Pologne.

Mon oncle m'a expliqué que l’Angleterre avait lancé un ultimatum à l’Allemagne, et qu’elle attendait la réponse pour le lendemain, le 3 septembre à 11:00.

La France, alliée de l'Angleterre, avait lancé également un ultimatum pour l'après-midi de ce même jour.

"Tu t’imagines mon petit Sérop dans quel pétrin nous allons nous trouver!"

Le lendemain matin, j’ai rejoint mes deux amis, Antoine et Louis. Nous avions entre 13 et 15 ans, étions pleins de courage, et très heureux de nous retrouver. Nous avons entrepris une randonnée.

Avec pour chacun de nous, un manakishe à 2 piastres pièce, nous avions amplement de quoi nous nourrir pour le déjeuner.

Sur notre parcours, il y avait quantité de petites sources pour remplacer les bouteilles d'eau minérale Soha.

Nous savions qu’une guerre se préparait. Nous en parlions beaucoup, et dans notre petit esprit nous plaignions les Allemands et pensions que leur dictateur Hitler, était fou de les envoyer combattre la Grande Bretagne et la France, deux grands pays invulnérables. 

Mon oncle m’avait prévenu que le lendemain, le premier ministre britannique Neville Chamberlain allait déclarer la guerre à 9:00, en cas de silence du Führer.

Nous sommes arrivés à Deir el Harf, un gros village. Le temps est magnifique. Nous nous reposons sur une grosse pierre lorsque nous remarquons un petit attroupement devant un magasin. Nous nous en approchons avec curiosité.

Nous entendons alors des grésillements, des bruits parasites venant de l’intérieur. Ils émanaient d'un petit poste radio Philips.

Nous entendions quelqu’un qui s'exprimait en Anglais. Nous n'y comprenions rien. Les villageois entre eux parlaient d’une émission anglaise, et attendaient une annonce importante du premier ministre britannique. 

Devant la beauté du paysage, jeune et insouciant, j’avais complètement oublié ce que mon oncle m’avait dit hier soir.

J’ai réalisé tout de suite que c’était le premier ministre britannique qui devait s’adresser comme prévu au monde entier.

Un silence se fait, la radio s’arrête, nous entendons résonner neuf coups de Big Ben. Il est exactement 11:00 à ma montre.

Suit le God Save The King, puis une voix chevrotante qui parle. C’est celle du premier ministre britannique: Neville Chamberlain.

Le public se met à crier:

"C’est la Guerre, L’Angleterre vient de déclarer la guerre à l’Allemagne."

Je ne sais pas pourquoi, mais nous étions tous secoués.

Nous retournons chez nous l'après-midi, un peu hésitants, un peu déçus, tristes...

J’attends le soir pour demander à mon oncle de m’expliquer un peu mieux ce qui va arriver. 

"Oui, oncle, j’ai entendu les neufs coups de Big Ben."


Et mon oncle, très préoccupé, m’explique:

"Suite à l’agression de l'Allemagne envers la Pologne, la Grande Bretagne, puis la France lui déclarent la guerre. 

La Wehrmacht, ayant violé les frontières de la Pologne, Londres a envoyé un ultimatum à Berlin.

L’Angleterre avait lancé un ultimatum à l’Allemagne afin qu'elle mette fin aux hostilités. L’heure limite de cet ultimatum était fixée à 09:00 heures heure anglaise, soit 11:00 au Liban."

Aucune réaction n’étant parvenue, la guerre est déclarée ipso facto, dès l’expiration de l’ultimatum.

Dans l'après-midi, c’est au tour du président de la République Française, Albert Lebrun, de déclarer la guerre à l'Allemagne.

Le lendemain, tous les journaux annoncent en première page la tragique nouvelle.

Je me souviens que les autorités nous avaient demandé de fermer nos fenêtres la nuit, de rester confinés dans nos maisons, et de descendre dans les abris en cas d'alerte. Les lampes ainsi que les phares des voitures devaient être teintées de bleu.

Je venais de réaliser que par une coïncidence incroyable je venais d'assister à la déclaration d’une guerre qui coûtera à l’humanité plus de 70 millions de morts...

(1) le papa de Marie-Françoise Delifer

Mercredi prochain....Charles Hélou

Comments

  1. [Commentaire du chapitre 64. En 1951, notre visite à la grand-mère d’Evelyne (...)]

    Cher Serop ; Quel beau texte , quelle belle histoire ! On voudrait en savoir plus de de la famille d' Evelyne ; des Kasparian .
    J'ajoute que le village d'à coté , Azzaz est le lieu originaire de ma famille maternelle : les Azar .
    Après Azzaz , les aïeux de ma maman se sont installés à Homs puis se sont fixés à Alep.
    C'est là une des régions oû a foisonné le
    Christianisme . Pèle mêle se côtoyaient armeniens et syriaques . Les eglises en sont témoins.
    Nos cousins communs les Yeni komushian ont publié un livre en Amérique . Nous n'en avons plus accès. On s'est tous perdus de vue . Ainsi va l' orient !

    ReplyDelete
  2. [Commentaire du chapitre 64. En 1951, notre visite à la grand-mère d’Evelyne (...)]

    Bonsoir Tonton,

    Merci pour tous ces souvenirs très intéressants que nous lisons toujours avec grand plaisir.

    Juste une petite question, sur Wikipedia ( en Allemand ou en Anglais ), Karaköprü est un district en Turquie dans la province de Sanliurfa et n'est donc pas en Syrie; je ne trouve pas un autre Karaköprü en Syrie dans le gouvernorat d'Alep ou dans le district d'Azaz...

    Si tu as un peu de temps, merci de clarifier...

    Nous vous embrassons très fort.

    Jean-François

    ReplyDelete
    Replies
    1. En préparant le texte, j’ai voulu localiser Karaköprü et j’ai découvert qu’il existait une ville de ce nom enTurquie. L
      Le village de Philomène se situait bien en Syrie, pas loin d’Alep. Il sert aujourd’hui de camp de réfugiés.

      Delete
  3. [Commentaire du chapitre 65. Jimmy, le journaliste anglais de la revue NEWSWEEK]

    Encore un souvenir, cher Sérop. Merci de le partager avec vos amis
    Et merci de continuer

    Heinz

    ReplyDelete
  4. Tout d'abord merci à l'équipe éditoriale pour les photos des journaux d'époques !
    les similitudes avec l'actualité sont très troublantes.
    Cher Daddy ce texte est particulièrement fort ! A travers l'alternance entre le récit de la randonnée et les début de la guerre on découvre progressivement comment l'idée de la guerre monte à l'esprit d'un enfant insouciant... Très beau texte.
    Merci,
    Olivier

    ReplyDelete
    Replies
    1. C’est Jocelyn le chargé des photos.
      Il est très fort.

      Delete
  5. A Jean Francois

    On trouve des endroits pareils dont les noms représentent officielement un coin créé par les paysans (turc ou syrien ). C'est une entente entre paysans, non officiellement reconnue par le centre géo.

    Sérop

    ReplyDelete

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