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64. En 1951, notre visite à la grand-mère d’Evelyne dans son village: "Karaköprü" (le pont noir), en Syrie.

La seconde année de notre mariage, Evelyne a tenu à me présenter à sa grand-mère maternelle, Philomène Séropian, qui vivait dans un village à 60 kms d’Alep.

Nous prenons notre courage à deux mains, et nous voilà dans un taxi qui nous amène jusqu’à la frontière Syro-libanaise, peu après Tripoli.

A la frontière, nous prenons un taxi syrien que pour rejoindre Alep, la grande ville du Nord. 

Arrivés à Alep, Evelyne entreprend de chercher ses tantes, ses cousins, et les membres de sa famille qui habitaient dans cette ville.


Hélas, nous ne les avons pas retrouvés Certains avaient quitté la Syrie, d’autres étaient décédés. 

Nous décidons alors de reprendre la route, et nous nous dirigeons vers le village d'Azaz, afin de rencontrer les familles proches des Kasparian, 

Azaz est un village situé à la frontière avec la Turquie, où les trois familles Kasparian ont longtemps vécu, après avoir été chassées de la ville de Kilis en Turquie, par les Ottomans. Plus tard, dans les années 1940, toutes ces familles sont venues s’installer au Liban.

Arrivés à Azaz nous sommes reçus comme des princes par l’ensemble des habitants. En été, c'est là que la plupart des connaissances passent la saison chaude. 

Fatigués, nous acceptons l’invitation de Georges S. de passer la nuit dans sa maison. 

Le lendemain matin, nous voilà prêts à nous rendre à KaraKöprü, le village de la grand-mère d'Evelyne, situé à 60 kms au nord d'Alep.

Arrivés dans l’après midi, nous demandons à rencontrer la grand-mère Philomène, mais elle est très occupée à surveiller les travaux d’adduction d’eau, à la sortie du village

Pour nous faire patienter, l'intendant nous offre des fruits, du café et autres douceurs, en signe de bienvenue…

Nous sommes en admiration devant les habitations sommaires des paysans. La seule maison sur deux étages digne de ce nom, appartient à Philomène.

Vers 17:00 heures, les villageois commencent à s'agiter. Ils ont aperçu un nuage de poussière à l’horizon, provenant des trots d’un cheval. 

Quelques secondes plus tard, Philomène, assise en amazone, cravache à la main, s’arrête juste devant nous.

Des paysans tiennent les mors du cheval, ils veulent aider Philomène à descendre, elle refuse car elle ne veut pas être servie. C’est en faisant un petit saut sur l’escabeau mis à son intention qu’elle touche le sol.

C'était la première fois que j’avais eu le plaisir de faire la connaissance de cette grande dame. J'étais très étonné par sa façon de s'adresser aux paysans. C’était une personne très respectable et qui savait se faire obéir. 

Quel dommage que l’occasion ne se soit pas présentée plus tôt afin de faire plus ample connaissance de cette déesse.

Nous étions très étonnés par sa jeunesse.

Evelyne lui offre une boîte de chocolats comme cadeau de Beyrouth, geste qu’elle apprécie.

Elle est vêtue d’un ensemble gris composé d'un boléro et d'un petit cherwal bien ajusté, en très beau tissu Cette grand-mère, très élégante pour son âge, nous souhaite la bienvenue.

Elle nous emmène dans sa maison. Elle marche comme une jeune fille. Étant fatigués par le voyage, nous avons de la peine à la suivre. Assise au salon arabe, Evelyne, sa petite fille, n'arrête pas de raconter en détails notre  mariage, et de donner des nouvelles de ses frères Georges et Robert, ainsi que de sa sœur Jacqueline, sans oublier sa mère Nazira, fille de Philomène

Très occupée dans son village, elle n’avait pu assister à notre mariage. 

Nous acceptons avec plaisir son invitation à passer la nuit, et croyez-moi nous ne l'avons pas regretté. Le lit était parfait, le climat plus que parfait, ajouté à tout ceci notre fatigue du voyage en voiture.

La maison très coquette le salon avec tout le mobilier confortable, la cuisine

bien équipée, la chambre à coucher des invités, tout est parfait. Il y avait même une douche dans la salle de bain.

Nous avons eu droit à un dîner pantagruélique préparé par la cuisinière.

Le lendemain matin, Philomène insista pour que nous passions quelques jours avec elle. 

Ne pouvant contacter le bureau, il m’était difficile d’informer la direction de notre retard. Nous avons dû décliner à contre-cœur.

Pourtant j’avais vraiment envie de passer quelques jours de plus près de cette grand-mère, si jeune d'esprit, qui ne cessait de nous gâter, de demander des nouvelles de Beyrouth, et aussi, je l'avoue humblement, d’aller pêcher dans la petite rivière tout près.

Le lendemain, nous avons eu droit à un petit déjeuner de première classe 

Quand le taxi est arrivé vers 10:00, tout le village était là pour nous souhaiter bon voyage, le tout, accompagné de musique et de youyous

Quel dommage de n’avoir pu profiter de ces moments uniques qui ne pourront plus se renouveler.

Nous avons quitté Philomène et son village à regret. 

En hiver, Philomène vit à Alep, entourée de ses amis. 

Un couple de paysans du village reste à ses côtés pour l'aider.

Le taxi nous a conduit directement à la frontière, sans passer par Alep.

C'était assurément une grand-mère inoubliable, jeune d'esprit et curieuse de connaître tous les détails sur sa famille au Liban.

J’aurais tellement aimé passer quelques jours de plus en compagnie de cette inoubliable et belle personne.

C'était assurément l'un des plus beaux souvenirs de notre début de mariage.

Mercredi prochain....Jimmy, le journaliste anglais, correspondant de la revue Newsweek à Beyrouth.

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