En 1934, un petit commerçant du quartier avait eu l’idée de vendre des blocs de glace au kilo.
N’ayant pas encore l'électricité à la maison, c’était le seul moyen d’avoir de l’eau froide, et même de conserver certains aliments dans une petite armoire prévue à cet effet pendant un à deux jours.
Cette armoire, était munie dans sa partie haute, d'un serpentin relié au tuyau principal de l'arrivée d’eau sur lequel était posé le bloc de glace. Celui-ci, posé sur le serpentin refroidissait ainsi l’eau, et contribuait à la conservation des aliments (c’était très rudimentaire ).
Tous les trois jours, j'étais de corvée pour me rendre chez le vendeur de glace,
avec dans ma poche la ficelle qui me servait à transporter le bloc au retour.
A la troisième corvée, en faisant la queue, je remarquai deux jeunes filles du même âge que moi, assises sur la terrasse basse d’une maison, très sympas, en train de regarder les gens faire la queue.
A chacune de mes corvées, devenues désormais un pèlerinage laïc, je les remarquais adossées contre la barrière, toujours aussi sérieuses que le premier jour.
Je commençais à prendre un certain plaisir à les regarder, surtout la plus jeune d'entre elles qui m’a un jour souri. Je commençais à tomber amoureux.
Je n’ai jamais rien pu savoir à leur sujet: ni leur prénom, ni leur nom de famille, ni l’école où elles allaient.
Avec l’installation de l'électricité à la maison, et l’arrivée à la cuisine d’un "FRIGIDAIRE "ces pèlerinages laïcs ont cessé.
Je n’osais pas demander aux voisins des renseignements sur les deux jeunes filles...
Si au moins je connaissais leurs prénoms, surtout celui de la plus jeune d'entre elles.
Mes activités (les visites aux familles pauvres, mes études, mon scoutisme), me prenaient tout mon temps.
Je commençais à oublier l’heureux temps où j’avais de l’espoir de me trouver avec elle, de lui parler…peu à peu son souvenir s’estompa.
En 1993, à la fin de la guerre, nous nous sommes installés à Broummana.
La résidence "Val Fleuri" où nous habitons était occupée par des familles respectables, des jeunes mariés, et leurs enfants qui étaient nés durant les hostilités.
Avec l’arrêt des bombardements, nous reprenions une vie normale, tout en essayant d’oublier les nuits passées dans les caves
J’ai alors proposé aux sages de la Résidence de Val Fleuri de saisir l’occasion et d'organiser une tournée en car, pour permettre à cette jeunesse de faire la connaissance de ce beau Liban.
Mon programme était divisé en trois parties:
-les Cèdres du Liban, au nord,
suivi de
-Les ruines de Baalbeck
et pour terminer,
-les cèdres de Beit Eddine.
Pour notre troisième sortie, j’avais prévu de déjeuner à Nabeh el Safa, un petit village plein de pommiers.
En entrant au restaurant, je remarque un autre groupe de touristes déjà installés, et un grand ami E.N. assis à côté d’une dame inconnue, au centre de la table d’honneur.
Connaissant bien E.N. je m’approche de lui pour le saluer, quand j’entends la dame assise à ses côtés, s’adresser à moi.
"ALORS Mr. SEROP DELIFER, VOUS CONTINUEZ TOUJOURS À ACHETER DE LA GLACE?"
C’était ELLE, ma Juliette, elle m’a reconnu et retrouvé après 59 ans.
En un éclair, je me suis souvenu des deux jeunes filles assises à la terrasse de leur maison.
J’étais tétanisé. Oui, c’était bien ELLE. Je n’arrivais pas à bouger. La retrouver là après tant d‘années, c’était inouï...
Incroyable. Elle m’a reconnu, elle connaissait donc mon nom.
La dame s’est levée avec un grand sourire, s’est approchée de moi, m’a tendu la main. Nous nous sommes embrassés émus, comme deux vieux amoureux.
Elle me rappelait mon premier amour. Nous n'avons pas pu prononcer une seule parole.
La vie nous réserve de sacrées surprises. Parfois, le hasard fait bien les choses.
Et là encore, je n’ai pas osé lui demander son prénom...
Merci de ton message.
ReplyDeleteComment puis-je oublier les reunions famililales du temps des fetes ?Immanquablement chacun de notre generation (enfants des parents ou petis-enfants de Nana) devions, en guise de discours, raconter quelque chose que nous venions d'apprendre a l'ecole. Declamer, reciter un poeme, une poesie, une fable. Ensuie nous recevions les cadeaux de grand-mere. C'etait le BON vieux temps.
Vivent LES TEMPS MODERNES de Charlie Chaplin !!...
Avec toute mon affection.
Jacques
Bonne et Heureuse Année, à toi Oncle Serop et à toute la famille.
ReplyDeleteHistoire très touchante et extraordinaire.
Merci de nous égayer comme ça une fois par semaine.
Paul