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50. A l’occasion de la Toussaint, jour de recueillement, je dédie ces deux souvenirs à nos chers disparus.

Papa nous quitte

C’est avec une grande tristesse que je relate comment la Providence m’a beaucoup aidé à accomplir mes devoirs filiaux envers papa et maman, et dans quelles circonstances je les ai perdus.

Nous sommes en 1956, je suis navigateur à Air Liban. 
La compagnie venant d’acquérir un DC 4, a voulu étendre son réseau sur les longs courriers africains.
La Loi Internationale de l’Aviation Civile stipule qu'un navigant ne peut en aucun cas dépasser neuf heures de vol effectuées sur vingt quatre heures. 

Le total des vols dépassant les heures de vol réglementaires, il était impératif pour la compagnie de prévoir une escale d’où un autre équipage en Stand By serait prêt à prendre la relève. Cette escale prévue pour la permanence sélectionnée était située à Fort Lamy (Tchad). Nous devions ainsi maintenir un équipage complet prêt à décoller en permanence.

Mon tour était arrivé, j’étais obligé de m’éloigner de ma famille, je ne pouvais pas refuser. 

A la fin de ma permanence qui avait duré un mois et demi, je rentrais avec joie retrouver ma famille.

Arrivé à Beyrouth, le Chef d’Escale d’Air Liban, Jacques Grélaud, m’attendait pour me demander de me tenir prêt à 6:00 le lendemain, pour un vol (charter) d'une durée de quinze jours, dans le désert irakien.

Furieux, je refuse. Il regrette, il m’informe l’impossibilité de prévoir un autre navigant. Evelyne est très fâchée, surtout qu’elle attendait pour très bientôt la naissance de Laurent, notre troisième enfant. N’empêche, elle prépare ma valise pour une absence de quinze jours.

Cette même nuit, à minuit, quelqu'un sonne à la porte. ( nous n’avions pas encore de téléphone ) J’ouvre, c’est mon jeune frère, Jean-Pierre dans tous ses états. Il m’annonce que papa se trouve très mal et que le médecin demande de réunir d’urgence toute la famille.

Evelyne et moi, nous nous rendons aussitôt à la maison paternelle.
Papa nous reconnaît, toute la famille était présente, entourant son lit. 

Le Père Tchantayan, curé de la paroisse était présent lui aussi, et il lui administra l’Extrême Onction.

Aux premières heures du matin, Papa nous quitte, sereinement.

Il s’en est fallu de peu que je manque le décès de Papa. Je ne me le serais jamais pardonné. Était-ce la Providence qui m’avait  permis d’assister à son départ? Cela, juste quelques heures après ma longue absence et mon départ prévu le jour suivant?

Deux mois plus tard, nous recevions dans la joie, un cadeau que Dieu nous envoyait: Laurent, notre troisième enfant, voyait le jour, remplaçant ainsi le cher disparu.

Maman nous quitte

Maman est très malade, voilà vingt quatre heures qu’elle a une forte fièvre, accompagnée de vomissements, etc... C’est la panique.

Toute la famille essaie de la convaincre d’aller à l’hôpital. Impossible. Elle refuse catégoriquement, disant qu’elle n’a jamais été à l’Hôpital de sa vie.

Finalement un ami médecin vient lui-même l’emmener à l’hôpital de force, dans sa propre voiture. Toute la famille est là, mes 2 sœurs et mes 3 frères.

Ce jour-là, j’avais donné rendez vous dans la résidence de mes beaux parents située à Aley (village à 25 km de Beyrouth), à mes deux beaux frères et belles sœurs: Georges Kasparian et son épouse Nicole, ainsi qu'à Alphonse Dévedjian et Jacqueline. Nous les avions invités au festival de Baalbeck pour le soir même, à une pièce de théâtre donnée par une troupe française, à 20:00.

A 15:00, je demande au médecin, le docteur E., qui s'occupait de maman, si je pouvais la laisser. Il était catégorique, assurant que maman était beaucoup mieux et que je pouvais tranquillement accompagner mes invités au Festival de Baalbeck. Il était tellement sûr de lui, qu’il m'a même demandé de se joindre à nous. J’expose la situation à mes frères et mes sœurs et, confiant, je quitte l’hôpital.

Sur la route vers Aley, dans la Wolkswagen, Evelyne est à côté de moi. Je lui fais part de mes inquiétudes quant au fait de laisser maman. Je me sentais coupable. Je décide de faire demi-tour. Je dépose Evelyne, demande au groupe de m'excuser, et me voilà de retour à toute vitesse, vers l’hôpital.

En garant la voiture, j'aperçois mon frère Alexandre inquiet et très étonné de me voir de retour. Il m’annonce que le médecin, constatant l’état critique de maman après mon départ, lui avait demandé de me rappeler immédiatement. 

Je laisse à mon frère le soin de garer la voiture, et je cours vers la chambre de maman. Mes sœurs, Lily et Rosette étaient là, immobiles, à ses côtés. J’entre en silence.

Maman me voit et me reconnait 
"Ah, c’est toi, Sérop", me dit-elle, d’une voix très faible. 

C'est alors qu'elle ferme les yeux, et rejoint papa.

J’aurais eu des remords toute ma vie, et m’en serais voulu de ne pas avoir assisté à ses derniers moments.

Mercredi prochain....Les débuts du cinéma à Beyrouth en 1935-1936.

Comments

  1. Et tu voulais nous priver de ça ?
    Merci Serop pour ces deux histoires qui nous donnent de bon matin les larmes aux yeux. Dans ta tristesse tu as eu la chance, grâce à ton intuition, d'être là, pour dire Adieu à ton père et à ta mère.
    Merci d'avoir partagé ces moments uniques avec nous.

    ReplyDelete
  2. Merci pour ces récits un peu tristes mais que je me devais de connaitre.... Je t'embrasse !

    ReplyDelete
  3. Thank you for sharing these touching and landmark moments in your life…through your stories, the light is being shed on the untold stories of my in-laws also. Please don’t stop and tell us more about your siblings so that I may in turn, share them with my children xoxo Talin

    ReplyDelete

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