Mission Impossible
Un samedi matin, en 1967, de bonne heure, un ami commun de mon cousin Antoine Delyfer, vient m’annoncer à la maison, qu’un accident grave est survenu en Turquie, Mélanie, la sœur d’Antoine est décédée.
En arrivant, je remarque leur sœur, Thérèse, en pleurs qui m’annonce, d’après le télégramme reçu ce matin, que sa sœur Mélanie est décédée à la suite d’un accident de voiture en Turquie.Le fils conduisant la voiture a été arrêté par la police, le second se trouve chez les Pères Capucins à Ankara.
Elle me tend le télégramme ainsi libellé, reçu d’Ankara.
"retour d'Istambul, voiture conduite par fils cognée par camion venant de face maman décédée fils conducteur en prison .Complètement démunis .Volés par sauveteurs. Envoi urgent argent et soutien demandés. Deuxième fils en sécurité à la paroisse latine d'Ankara. Votre arrivée rapide souhaitée." DOMENICO père capucin.
Devant le spectacle de la famille, complètement perdu, je suis très ému.
Ma réaction est rapide, il faut, sans faute et vite, trouver une solution.
On faisait face à une catastrophe, et quelle catastrophe! Devant ce drame, il fallait que je fasse quelque chose. Quoi? Pourquoi?
Je prends une décision: la seule solution, maintenant, est l’envoi urgent de quelqu’un, proche de la famille.
Thérèse, la sœur de la défunte, se propose pour se rendre en Turquie, mais n'ayant jamais voyagé, elle n’a pas de passeport. Antoine, son frère, est complètement effondré.
Je me renseigne auprès de la Turkish Arlines: Elle opère un vol par semaine, Beyrouth/Ankara tous les lundis à 13 heures, donc après demain, Thérèse doit obligatoirement prendre ce vol. Je réalisai la difficulté.
On était samedi, il fallait avoir le passeport sans faute, pour ce lundi matin, afin de prendre le vol de la Turkish à 13 h. ( soit dans deux jours, avec un dimanche au milieu je réalisais l’impossibilité de ma démarche, ) En cas d’échec, un autre vol, par une autre compagnie était envisagé, dans la semaine. Mais je tenais absolument à ce que le voyage ait lieu ce lundi.
Irréalisable. Je ne croyais absolument pas à une réussite. Je me trouvais devant une MISSION IMPOSSIBLE.
Je commence immédiatement la procédure compliquée pour l’obtention d’un passeport.
D’abord les formalités des photos, le studio du photographe se trouve en face de la maison. Une demie heure plus tard, munis des photos, nous nous présentons, Thérèse et moi, chez le moukhtar.
Le moukhtar ( maire ) doit signer le dos de la photo attestant le nom de la personne.
Dans l’après-midi, munis des photos et de la carte d’identité de Thérèse, nous sommes au Commissariat du quartier. Les agents étaient déjà au courant du drame. Ils commencent à faire le dossier, et je demande, quand le passeport sera prêt.
Le dossier ne sera transmis à la Sûreté Générale en ville, que ce lundi, et le passeport ne sera prêt que dans deux semaines.
L’agent sourit quand il apprend , le voyage programmé pour le lundi, dans deux jours. Il a fallu trouver des mots convaincants, pour expliquer la situation urgente dans laquelle nous nous trouvions.
Vu le décès de Mélanie, habitante du quartier, nous comptions sur leur humanité.
A tout hasard, je demande une dérogation à la loi : que je prenne moi même le dossier et le présente au directeur de la Sureté Générale en personne.
Je n’espérais pas. Je sais que ce n’était pas possible. C’était ma dernière cartouche,
Il est d’accord, Incroyable, il me tend le dossier et indique l’adresse du bureau. Je ne sais comment le remercier,
Le lundi à 8 h.( j’avise mon patron de mon absence. Il est d’accord ) Je me trouve à l’entrée de la Sureté Générale, rue Badaro. Une foule énorme se presse devant moi. Vu l’impossibilité d’être reçu au plus tôt, je glisse un gros pourboire au gendarme en lui demandant de remettre sans faute au Directeur le papier, que j’avais déjà préparé la veille.
Quelques minutes plus tard, je suis reçu par le Directeur de la Sûreté Générale à qui j’explique toute la situation et lui demande une exception afin de pouvoir sauver en premier le jeune garçon en prison.
Il s’intéresse, appelle le planton et lui dit de remettre le dossier au service concerné des passeports
20 minutes plus tard, j’ai le passeport en main, je tremble, je suis dans un autre monde.
Je ne sais comment le remercier, je suis en dehors du temps, C’est avec un certain sourire, que le directeur me dit. "Mr. Delifer, nous sommes humains, croyez moi, j’ai très bien compris la situation, prenez ce café avant de partir ".
Passeport en main, je cours au Consulat Turc, où la secrétaire, Joséphine Naufal amie de classe de Lily, fait aussitôt signer le passeport du visa turc par le consul.
Ma troisième visite était pour la Turkish Airlines, où j’obtiens un billet Aller/Retour Beyrouth/Ankara. Heureusement, je possédais assez d’argent pour régler, et je demande même une réduction que j’obtiens.
Il est 10h. J’arrive chez Thérèse, je lui dis de se préparer pour le vol. Elle ne me croyait pas
Valise faite en toute hâte, avec ma Volkswagen, Evelyne assise près de moi, nous accompagnons
Thérèse à l’aéroport .
13 h. Nous assistons au décollage de l’avion, OUF, quel soulagement
Mission Accomplie.
Non, ma mission que j’avais initiée n’était pas encore terminée, car je n’avais aucune nouvelle de Thérèse. J’étais inquiet.
Le lundi de la troisième semaine du départ de Thérèse, il était fort possible d’avoir de ses nouvelles. Le vol régulier de la Turkish du lundi arrivait à 11 h. d' Ankara.
Je suis au Safety Centre avec mes étudiants thaïlandais. Durant la pause, je cherche à avoir des nouvelles de Thérèse. J’appelle la tour de contrôle de Beyrouth. Je me présente, Le contrôleur me reconnaît, Je lui demande si possible de contacter la tour de contrôle d’Ankara, et demander à Mehmet, de ma part, ex-étudiant au Safety Centre, de vérifier si l’avion, prévu pour Beyrouth, doit ramener un cercueil. La réponse est oui.
Je préviens Antoine pour qu’il informe le curé, le cimetière, les parents, afin qu’ils se trouvent à l’aéroport à 11 h. pour recevoir Thérèse, les enfants….
J’avais terminé, accompli ma Mission. Je ne pensais pas réussir.
Je ne peux pas me rendre à l’aéroport, je reste au Safety Centre, continuer mon travail.
Triple Bravo :
ReplyDeletePour la régularité (à partir de 2 mercredis c'est scientifiquement prouvé)
Pour la présence (quoi? pourquoi? : nous sommes dans le canapé à 1m50 de Serop)
Pour le style vivant, en action!
Ad multos annos.
This comment has been removed by the author.
ReplyDeleteLes bandits sont tous les mêmes dans le monde. Quand l'occasion se présente; il fait le larron
DeleteUn James Bond humaniste au grand cœur avec un côté Indiana Jones pour les étudiants Thaïlandais...
ReplyDeleteQuel grand père !!
Je suis d'accord avec Jean bravo pour la régularité on attend notre petit RDV...
Olivier, merci. A mercredi prochain
DeleteIncroyable notre grand-père est un véritable 'Digital natif'...!!! On adore:)
ReplyDeleteIl est meilleur en storytelling que bien des GEN Z ;)
DeleteDans environ 4.5 milliard d’années, notre réacteur nucléaire et source de vie, le Soleil, aura brulé tout son hydrogène, et donc mourra. Mais juste avant de mourir, la boule de feu grossira d’un radius allant au delà de notre système Solaire. Ce sera évidemment la fin de la Terre, ainsi que des six autre planètes.
ReplyDeleteIl ne restera aucune trace de l’humanité sur terre. L’histoire des rois ayant vécu naguère, des guerres, de l’art, de la Science, ou autre, rien ne subsistera. Charlatans, bienfaiteurs, voleur, artistes, souvenirs, et même recettes, auront disparus a jamais..A jamais?
Peut être pas. Si l’homme, de nature exploratrice qu’il est, perpétue l'humanité ailleurs dans la galaxie, alors il emportera avec lui, dans une mallette bien scellée, toute son histoire sur terre, ses manuscrits , ses inventions, et surtout, le blog de Serop Navigateur.
Patrick
Ahahahah génial !
DeleteA quand la série NETFLIX ?
ReplyDeleteMachallah, quelle mémoire!
ReplyDeleteOncle Serop, tu nous as tenus en haleine jusqu'à la fin du récit qui rappelle, c'est vrai, de douloureux souvenirs. J'avais 9 ans quand nous avons appris le drame familial (Mélanie est ma tante paternelle pour ceux qui ne le savent pas déjà). Je me rappelle vaguement de la catastrophe qui s'est abattue sur la famille ce jour-là, ayant gardé comme souvenir une atmosphère de profonde tristesse et de désolation, surtout que tante Mélanie était très appréciée par sa beauté, sa bonne humeur et son charisme.
J'ignorais tous ces détails concernant l'obtention providentielle du passeport, du visa turc et du billet d'avion en un temps record grâce à ton dévouement et ton insistance à franchir tous les obstacles. Sois-en remercié du fond du coeur, même après plus d'un demi-siècle, au cas où les vivants de cette époque ne l'auraient pas fait assez, comme tu le mérites. Dieu n'a certainement pas oublié cette BA d'ancien scout et veille sur toi, j'en suis sûr, ainsi que sur toute la famille qui t'entoure si affectueusement.
Doux baisers sur les deux joues.
Paul
Grande tragédie , merci pour la mémoire extraordinaire et le thriller ! ! qui nous tient en haleine .
ReplyDeleteBravo et Merci pour ton dévouement sans bornes dans toutes les circonstances de notre vie .
Affections et Bises
Christiane
ReplyDeleteRose-Marie Delyfer Jalkh
C’est avec beaucoup d’emotion que je me suis replongee ce matin dans un passe si douloureux, attendant avec mon pere
a l’aeroport, l’arrivee de cet avion ramenant ma defunte tante.
Cher oncle Serop, digne descendant de la famille Delifer, tu n’as hesite a aucun moment a surmonter tous ces obstacles, a apporter ton aide si precieuse a la famille devastee, a rendre cette mission au depart impossible, realisable en 30 minutes le lundi matin.
Mon cousin Jean-Marc Cassia, fils de la defunte, qui ignorait tous ces details,
m’a chargee de te transmettre ses sinceres remerciements.
je voudrai ajouter, pour les membres de notre famille qui ignorent certains details du passe:
lors de l’octroi de la nationalite libanaise, notre grand-tante paternelle a cru bien faire en demandant au Patriarcat d’ajouter le “IAN” a notre nom, alors que la carte de visite de mon grand-pere imprime a Adana en 1900 indique clairement le nom Delifer.
Vivement les mercredis, attendus avec impatience.
Mission ne semble pas impossible aux personnes qui veulent toujours rendre service et qui ont une force de conviction aussi importante que celle de tonon serop. On repère aussi la même trame de fond que dans la premiere histoire, où les rencontres et les "reseaux de connexions" humaines font toute la difference avec Tonton serop et tante evelyne.
ReplyDelete@Véronique, superbe poème.
ReplyDeleteC'est avec un beaucoup d'émotion que nous vous avons lu cette semaine. Je suis intriguée par le cousin que vous évoquez puisque mon Grand-Père s'appelle précisément Antoine Delyfer... Il ne s'agit pas de lui mais auriez-vous la gentillesse de me donner quelques indications pour que je puisse le situer dans la généalogie familiale ?
ReplyDeleteMerci de tout cœur pour ces beaux rendez-vous du mercredi qui nous permettent de vous découvrir davantage, nous élèvent par l'exemple que vous nous donnez et nous relient tous autour de vous.
Henriette