La guerre au Liban avait déjà commencé. On entendait parler de petites escarmouches ici et là dans les villages, ou encore, d'enlèvements. Par mesure de prudence, on limitait les déplacements.
Les cours au Civil Aviation Safety Centre, où j’étais instructeur, avaient lieu uniquement durant les matinées
Une après-midi, j'ai été dans l'obligation de remonter au bureau en voiture car j’avais rendez vous à 15:00 avec un représentant de la Turkish Airlines.
Je quitte la maison vers 14:45, et me dirige vers l’aéroport.
J'arrive sur le grand boulevard de l’aéroport, bordé d’arbres, en ligne droite Sur la route, je ne rencontre aucune voiture, pas âme qui vive. D’un seul coup, quelqu’un sort derrière un arbre. C'est un jeune homme masqué, avec son arme qui traînait par terre. Il me fait signe de tourner à gauche, où un groupe armé et masqué, attendait dans une guérite.
J’obtempère. Je traverse l’allée gauche du boulevard, et me voilà entouré d’une bande armée. Le chef me fait signe de m'arrêter, d’éteindre le moteur, de lui remettre la clé de la voiture, ainsi que ma carte d’identité.
Je sens une goutte de sueur glacée couler dans mon dos, quand ce même chef qui doit avoir dans les 17-18 ans, veut connaître ma destination. J’ai la gorge serrée en répondant que j’ai un rendez vous urgent avec le directeur de l’Aviation Civile, à l’aéroport. Je sens une goutte glacée couler dans mon dos.
Seule, Evelyne savait que je me rendais à l’aéroport.
Tout le groupe disparaît, hormis quatre jeunes armés jusqu’aux dents qui m'entourent. Comment prévenir Evelyne, ainsi que le bureau où j’ai ce rendez-vous important? Je me sens perdu. Il suffit d’un rien pour que je disparaisse.
Je me mets à prier, je suis là, immobile, je regarde l’heure, et pense à mon rendez vous de 15:00. C’est la première fois que je rate un rendez-vous. Pourvu que ces jeunes me laissent partir, je pense aussi à mes enfants, Jocelyne, Alain, et Laurent.
J'ai besoin d'aller aux toilettes, je commence à me sentir mal…
Quarante cinq minutes environ plus tard, je vois revenir l’Etat Major, avec le chef tenant en main ma carte d’identité. Il s’approche dédaigneusement, me lance la carte d’identité à la figure, et laisse tomber la clé de la voiture par terre. Sans me presser, je débloque la ceinture de sécurité, et ouvre la portière. La clé est tombée loin de la voiture. Le chef la déplace d'un coup de pied, ce qui m’oblige à sortir de la voiture et à me pencher. C'est presque à genoux que je la saisis. Ouf.
Il est presque 16:00. Sans dire un mot, je quitte l’endroit tranquillement, et me remets à rouler à faible allure vers l’aéroport, sur la voie de gauche du boulevard. Le cellulaire n’existait pas à cette époque. Arrivé au Grand Rond Point, je dois normalement continuer tout droit pour arriver à l’aéroport. Je braque le volant à droite, et dis m….. au rendez vous, puis j'appuie sur l'accélérateur, et continue jusqu’à la maison à la vitesse de 100 km/h.
Je grimpe les 2 étages aussi vite que je peux. Je n’arrive pas à introduire la clé dans la serrure tellement je tremble.
La porte s’ouvre alors de l’intérieur, c’est le Frère Don Franco, venu voir Alain, qui avait la jaunisse. Le frère me regarde et me demande si j’avais été dans un moulin.
-"Tu es blanc comme un linge mon cher Sérop."
Lorsqu'il apprend la raison, il saute comme un ressort, puis s’adressant à moi:
"Va immédiatement aux toilettes, et fais pipi. Où est la bouteille de cognac?"
Je bois le cognac dans un verre à eau.
Puis, je vais dans ma chambre, je change de pantalon et reviens voir Alain et Don Franco pour leur raconter toute l’histoire. (Evelyne se trouvait à la librairie) Je me mets à trembler comme une feuille, et je pleure.
Longue longue vie à mon unique et cher cousin ainsi qu'à notre MAGNIFIQUE Evelyne! Que vous restiez en bonne santé , dans la JOIE de chaque instant. Vous êtes à vous deux un hommage à la Vie ,et une école pour l'apprendre , non seulement pour moi , votre cousine mais pour beaucoup beaucoup beaucoup de personnes . J'en connais une centaine !
ReplyDeleteMerci pour ce 49ème épisode !
ReplyDeleteEn 2011, Violaine et moi avons été arrêté en nous trompant de route juste avant l'aéroport par des forces armées je ne sais pas qui était ces gens mais on a eu très peur...et pas de verre de cognac pour nous remettre des émotions :)
Encore une nouvelle fois merci pour toutes ces belles chroniques qui nous rapprochent de toi cher Grand Père, chère Grand mère, savoir d'où l'on vient définit où l'on va...
Un très bel anniversaire spécial je pense fort à vous !!
Olivier
Très bon anniversaire Serop,
ReplyDeleteMerci pour tous ces voyages et aventures que tu nous a fait partager semaine après semaine, avec la complicité d'Evelyne. Nous vous embrassons tous les deux bien affectueusement. Mention spéciale à Jocelyn qui assure la Delifery à domicile.
Nathalie et Jean
Joyeux anniversaire Serop. Lucien s’interroge car il n’a jamais entendu de cet incident alors qu’il était encore sur place. Pour moi, la date n’est pas le plus important. L’essentiel, c’est que vous vous en êtes sortis tous les deux pour nous les raconter aujourd’hui. ( Lucien demande si le cognac était bon? ). On vous embrasse bien fort.
DeleteDominique et Lucien
Joyeux anniversaire cher Serop ! Et merci pour toutes ces aventures partagées que nous suivons avec grand plaisir et souvent beaucoup d'émotion ! Papa, Yann, Romain, Charles et Victor se joignent à moi pour vous embrasser très affectueusement ainsi qu'Evelyne.
ReplyDeleteBonjour Serop et bon anniversaire ! Merci de nous abreuver de tes histoires dont nous avons besoin. Les enfants armés à l'époque et dans cette région étaient les plus dangereux et continuent de l'être parce que leur jeune âge fait qu'ils ne donnent aucune valeur à la vie et peuvent "descendre" un adulte sans pitié. Grâce au ciel ils t'ont épargné ce jour là !
ReplyDelete