J’ai commencé à parler avec beaucoup de retard, et ce, pour le plus grand malheur de mes parents.
Ce n’est qu’à quatre ans que j’ai commencé à exprimer mes sentiments enfantins envers eux.
Dès le premier jour, maman m’avait fait promettre de ne parler que le turc. Elle m’avait fait promettre de ne parler ni l’arménien ni le français.
"Sérop, tu dois parler uniquement le turc. Les autres langues sont interdites. Si la police t’entend parler une autre langue que le turc, elle te punira."
Est-ce que j’étais capable de discerner ces trois langues. En réponse à ma question, Maman m’a indiqué Issmet, un ami turc, avec lequel je pouvais continuer à jouer.
"Surtout ne parle plus ni avec Hovsep ni avec François."
J’avais très peur, la nuit je rêvais qu’un policier me punissait.
En 1925, mes parents décident de s’installer au Liban, pour que nous puissions commencer nos études, nous, les trois garçons.
Une fois installés au Liban, mon oncle Aris et son frère Sétrak ( papa) pensent qu’à partir de maintenant nous avons rendez vous avec la Société Internationale, et qu'il ne fallait plus nous montrer sectaires.
Mes deux sœurs étaient déjà à Beyrouth. Elles logeaient chez mon oncle Aris, pour suivre leurs études chez les Sœurs de Charité.
Nous habitions un appartement situé face au collège des Pères Jésuites, et c’est pour poursuivre la tradition de mes grands cousins, qui en 1875 avaient fréquenté ce collège, que mes parents ont décidé de nous inscrire dans ce même établissement dirigé par les pères Jésuites.
Après les minimes, je suis passé chez les petits externes. J'y ai eu des amis avec qui je m’entendais très bien. J’y ai appris petit à petit l’arabe. Un beau jour, on m’annonça qu’il était interdit de parler cette langue. Là, je commençais à perdre mon courage. J’étais traumatisé. J’avais même peur de parler à la maison.
Un beau matin, durant la récréation un camarade me donna un petit carré de bois. Je ne connaissais absolument pas la raison. Je l’ai gardé soigneusement et je suis allé voir le surveillant en lui remettant ce carré. Le surveillant me regarda avec sévérité et m’obligea à écrire cent fois "Je ne dois pas parler l’arabe, je dois parler le français"
En classe de quatrième, Bertrand Robillard, qui nous enseignait l’Histoire et était aussi organiste, nous expliqua qu’en 1871, lorsque l’Allemagne avait occupé la France, elle avait obligé les Français à ne parler que l’Allemand.
Quand un pays perd la guerre, la puissance victorieuse exige que le peuple conquis parle la langue de l’occupant. J'y voyais plus clair.
Il y avait quelques élèves arméniens qui étaient dans une autre division.
Ces différents problèmes ont été la cause de retards dans mes études.
J’avais ainsi toujours peur de me tromper entre le Turc, l'Arabe, le Français ou l'Arménien. Quelle langue devais-je parler en définitive? Avouez que pour un gamin de 7/8 ans, c'était un effort surhumain.
La solution est arrivée par hasard, comme un cadeau. Ce fut le scoutisme qui m’a sauvé et complètement guéri.
C’était un fait, qu’en dehors des servitudes scolaires, j’étais libre, libre de choisir la langue que je voulais parler. J’aimais parler avec Hovsep ou avec Alexandre, ou encore avec Khalil, j’étais libre...J’étais heureux.
Ne kadar üzgün 😢 bir hikaye bizim Ermenilerin hayatı. Ama turk adı bile verenlere, Ermenilik devam ediyor ve her zaman edecek. Talin
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