En 1923, après avoir quitté la Turquie, mes parents accompagnés de leurs cinq enfants, ont trouvé refuge au Liban chez mon oncle paternel, Aris Delifer.
Aussitôt installés à Beyrouth, nos parents nous ont inscrit chez les Pères Jésuites, parce que déjà en 1825 il y avait eu deux membres de la famille Delifer qui avaient été élèves de cet établissement, et par conséquent, nous respections ainsi une certaine tradition.
Je garde des souvenirs inoubliables des sept années passées dans ce collège. Non seulement pour l'enseignement qui y était dispensé, mais aussi pour les activités annexes telles que le scoutisme, la chorale, les visites aux nécessiteux, ou encore l’aide au responsable de la gazette. J’étais très actif. Je faisais connaissance avec un monde, structuré, après les années très mouvementées d’incertitude traversées par mes parents.Après deux années scolaires chez les minimes, me voilà reçu au grand collège. Le premier jour de mon admission chez les Pères reste inoubliable. Après 17 h, les classes terminées, nous avions droit à une demi- heure de récréation avec une distribution de pain et de chocolat, servis par le portier.
Nous entrons dans la grande salle, et faisons connaissance avec le surveillant. Nous remarquons alors que nos places étaient désignées avec nos noms sur les pupitres. Cette heure d'étude surveillée avait été instaurée par le Préfet, pour aider les élèves qui en avaient besoin, ainsi qu'à ceux qui n'avaient pas l’électricité à la maison.
Un jeune homme se présente: Marcel Vérillon, debout derrière son bureau. Il nous souhaite bonne chance, et nous annonce qu’il sera notre surveillant et qu'il pourrait nous aider en cas de besoin.
A peine assis, tous les élèves se mettent à chahuter. Vérillon ne réagit absolument pas, et reste à sa place, debout. Au bout de 15 minutes tout le monde se calme. Nous commençons à faire nos devoirs.
Le lendemain, à 17:30, nous entrons dans la grande salle, Mr Vérillon nous surveille, toujours debout. Nous remarquons alors que nos chaises avaient été enlevées. Nous étions donc obligés de rester debout, ou bien couchés sur le pupitre, pour écrire nos devoirs.
Pendant une heure, et après bien des difficultés, nous quittons le collège, à 18:30, furieux. Nous avions compris à qui nous avions affaire. Ce premier jour, Vérillon nous présentait sa carte de visite.
Quelques mois plus tard, on me demande si je serais intéressé par le scoutisme. J’accepte, et je remarque à la première réunion, que le surveillant de 17:30, n’était autre que Marcel Vérillon, chef scout de France.
Avec lui, un nouveau monde s’ouvrait à moi. Il m'a appris l’amour du travail bien fait, du service rendu, la BA avec le sourire, etc.
Ce fut un rêve, je faisais connaissance avec un autre milieu jusqu'alors inconnu pour moi. Je comprenais que je commençais à être un jeune avec des responsabilités. Le sens de la discipline, le respect, le devoir envers les autres, et plus tard la parole donnée, ainsi qu'une formation qui me manquaient.
C'étaient des instituteurs de grande qualité. Ils m’ont fait aimer la vie, les études, le travail en groupe...
Les étudiants étaient heureux. Il régnait une atmosphère très agréable. La discipline était sévère, il ne faut pas oublier que j’étais un réfugié arménien. Nos surveillants faisaient tout leur possible pour ne pas créer de problèmes entre les réfugiés (de classe inférieure ), et les libanais nantis et riches. Cette différence, je la sentais, et il a fallu la maîtrise de Mr Vérillon, pour arriver à une égalité commune. Petit à petit je sentais que je m'intégrais, et me fondais dans le paysage avec mes amis libanais de souche.
Ce message est pour moi l’occasion de vous remercier de tout coeur pour votre blog.
ReplyDeleteC’est un très beau rendez vous que vous nous donnez chaque mercredi.
Votre courage, votre gratitude et votre foi qui transparaissent chaque semaine à travers vos récits sont un exemple qui nous porte.
H.
Serop, surtout ne désespère pas stp. Tes écrits me font beaucoup de bien. C’est un moment de détente qui me fait voyager l’espace de quelques minutes.
ReplyDeleteJ’en ai besoin en cette période de confinement ou semi-confinement.
Avec toute mon affection,
Jean
Ola daddy ravi de ce nouvel épisode et d’avoir plus d’info sur l’affaire « the sky is yours », j’ignorais certains détails !
ReplyDeleteToujours aussi bien documenté, agréable et fluide à lire ces chroniques…
Merci pour ta régularité qui donne le tempo de nos semaines ❤️
Oncle Serop
ReplyDeleteC'est avec un grand plaisir que je lis chaque semaine tes fabuleuses chroniques.
Tu nous transportes à chaque fois vers un monde d'un temps révolu et que malheureusement nous ne verrons plus. Où sont les neiges d'antan?
C'est un exutoire à notre morne et désagréable quotidien ici au Liban.
Nous attendons tous impatiemment le prochain article. Bisous.
Amo Serop…thank you for sharing these beautiful stories and giving insight on the history and Armenian heritage of the Delifer family which I am so proud to have married into! With much love ❤️ Talin
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