En 1988, nous sommes en pleine guerre au Liban. Tout Beyrouth est fermé, notre immeuble est complètement vide, il n’y a plus personne, nous avons dû fermer notre librairie, et avons pris l'avion pour Paris en passant par Chypre.
Nous y sommes reçus par Georges et Annick (ce ne sera pas la dernière fois)
Quelques semaines après notre arrivée, Evelyne se met à souffrir de douleurs dans le dos.
Après avoir consulté sept médecins à Paris, nous n'avons obtenu aucun diagnostic.
La douleur augmente de jour en jour. Nous sommes devant une situation très inquiétante. Une après midi, Evelyne a tellement mal, que je l’emmène chez un acupuncteur
Evelyne est soulagée, nous rentrons à la maison, mais la douleur reprend de plus belle. Nous sommes devant un mur, impuissants.
Le soir même, Georges est invité, à dîner chez Jacques, un ami de classe du lycée Français de Beyrouth.
Le lendemain matin, Georges, au petit déjeuner nous rapporte en détail le dîner de la veille.
"Nous étions une quinzaine, dit-il, j’étais assis, avec des invités que je ne connaissais pas . Je ne connaissais personne, à part le maître de céans. Quand les convives ont appris que ma sœur et mon beau-frère avaient fui le Liban, ils voulaient connaître les détails de la guerre dans ce pays."
Georges les leur raconte, en ajoutant que malheureusement, sa sœur a très mal au dos, et que tous les médecins qu'elle a consultés, n'ont pas pu diagnostiquer le mal.
Un Monsieur qu'il ne connaissait pas, qui était assis juste en face de lui, se présente alors comme étant l’assistant du plus grand orthopédiste actuel en France, et se propose de nous organiser un rendez-vous avec lui. Georges est enchanté et il accepte aussitôt.
Dans l'après-midi, l’assistant en question, appelle Georges et lui annonce qu’un rendez-vous est fixé avec le fameux Dr Kouvalchouk, pour le lendemain matin à 8 heures, à l’Hôpital Foch de Suresnes.
Le lendemain, à 7 h.30 nous nous trouvons avec Annick dans la salle d'attente, quand la porte s’ouvre brusquement sur un homme blond, grand de taille, très sec, demandant un Mr DELIFER. Je me lève et présente Evelyne: "C’est ma femme qui est malade".
-"Bon très bien, suivez moi, je suis au courant". Dans le bureau, je présente au médecin, tous les documents ainsi que les radios effectuées etc... Il examine le premier résultat, et fait la moue. J’ose lui demander:
"Croyez-vous docteur que c’est"?
"Je ne vous ai pas adressé la parole" me répond-il.
Je me tais en rougissant de ma bêtise Le médecin, tout en continuant à étudier les autres radios, demande par téléphone à la direction d’accepter l’hospitalisation d’une dame libanaise qui se trouve dans un état critique. S’adressant à Evelyne, il lui dit qu’elle ne peut pas quitter l’hôpital.
"Votre lit est réservé. Je dois commencer tous les examens nécessaires immédiatement, et prendre la décision qui s'impose."
Quelques instants plus tard, des brancardiers arrivent et emmènent Evelyne. Tout s'est passé très vite, je ne pouvais plus parler. J’étais perdu, mais j'avais confiance en ce médecin. Il prenait les décisions sans hésiter et sans demander l’avis de personne.
Après le départ d’Evelyne, nous allons à la recherche de la chambre. Nous ne sommes pas autorisés à y entrer. Elle est déjà entourée par les médecins en train de l’examiner et de lui poser des questions. Quelle histoire! Je suis perdu. Pour me calmer, Annick m’invite à la cafétéria. A notre retour, Evelyne a disparu.
Le docteur Kouvalchouk avait décidé de l’opérer le lendemain matin.
Après l’opération, je rencontre le médecin qui me dit:
"Elle quittera l'hôpital dans quelques jours. Il faut qu’elle se repose, elle est sous surveillance, je dois la voir mardi sans fautes. J’ai prescrit des médicaments qu’elle doit prendre dès maintenant. En cas de problème, appelez immédiatement ma secrétaire."
Trois jours plus tard, quand nous arrivons dans la chambre d’Evelyne, je remarque par terre, une dame accroupie en train de préparer le corset qu’Evelyne doit porter en quittant l’hôpital. L’infirmière me remet les médicaments prescrits. Elle insiste pour qu'Evelyne garde le corset, et nous rappelle notre rendez-vous de Mardi.
Evelyne, allongée à l’arrière de la voiture d’Annick, nous rentrons à Rueil-Malmaison, étourdis, enchantés, et heureux. Le médecin nous a promis de la guérir.
Evelyne est sous la surveillance personnelle et exclusive du Dr Kouvalchouk. Ces visites de mardi à 9 heures, deviennent une habitude, et créent un lien d’amitié entre nous.
A la 3ème visite, la secrétaire du Dr Kouvalchouk veut savoir comment se passent nos visites avec le médecin. Devant mon étonnement elle m'explique :
"Je le seconde depuis treize ans. C'est un homme très réservé. Or, après votre départ, il est souriant, chose très rare chez lui. J'ai le sentiment qu'il vous admire."
Après la 5ème consultation du mardi, à mon grand étonnement, nous étions "à tu et à toi" avec le Dr Kouvalchouk
"Mon cher Sérop, quand je t’ai vu dans la salle d’attente, je me suis revu enfant, lorsqu'à l'âge de sept ans, j'ai été contraint de quitter l'Ukraine avec mes parents et de m'exiler en France."
Quelques mois plus tard, nous étions de retour. Evelyne était complètement guérie et le calme était revenu à Beyrouth. Nous avions promis de revoir le Dr. Kouvalchouk quatre mois plus tard.
Nous garderons un souvenir éternel de ce médecin.
A cette époque, Alain était basé en Hollande. Il travaillait pour la compagnie KLM/Martin Air. et vivait dans une petite ville, Haarlem à 32 km d'Amsterdam Il nous a invité à passer la convalescence d'Evelyne chez lui.
Nous avons accepté avec grand plaisir, et c'est dans la voiture de la compagnie que nous nous sommes rendus avec lui, à Haarlem.
Evelyne devait rester couchée, sans bouger.
Pendant ces deux mois de convalescence, je me suis occupé du ménage ainsi que de la cuisine sous la houlette d'Evelyne. Nous avons ainsi reçu la visite de Georges et Annick, ainsi que d'Allain et Jocelyne qui ont été unanimes pour constater mes talents culinaires. Nous avons eu beaucoup de chance d'avoir pu être accueillis par Alain.
Deux mois plus tard, Evelyne est complètement rétablie. Nous revenons à Rueil Malmaison. Annick, je t'adresse ici un grand merci spécial, car tu as été d'un grand secours durant cette période, et avec quelle gentillesse tu t'es occupée d’Evelyne!
Deux semaines plus tard, de retour à Beyrouth, mon patron m’appelle en me demandant de revenir au bureau au plus tôt.
Oui, c’est le Dr Kouvalchouk, oui c’est lui, le seul, qui a sauvé Evelyne.
Oui, c’est la Providence qui a poussé Jacques à inviter Georges ainsi que son ami, l’assistant de ce grand médecin à dîner.
Oui, passer des vacances à Harlem, grâce à Alain
Merci à la Providence d’avoir sauvé Evelyne, il y a 33 ans.
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