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37. A la découverte de Tananarive

Le 16 Octobre 1959, un équipage complet d’Air Liban est transféré au Caire où, vingt cinq touristes français attendent l'avion pour se rendre à Tananarive, sur l’île de Madagascar.

Nous sommes chargés de les emmener sur cette belle île rouge. 

Le vol doit se faire sur un avion Languedoc. Durant la guerre, l’armée française utilisait cet avion pour larguer les parachutistes. L’équipage est composé de deux pilotes:

-Jacques Unvoas ( chef pilote ) et Jacques Ferré 

-Selim Rizk, co pilote 

-Votre humble serviteur est le navigateur, 

-Mlle Goubsky hôtesse de l'air: 

Les passagers sont des professeurs accompagnés de leurs femmes, appelés à former les jeunes malgaches aux subtilités de la langue de Molière.

Au Caire, dans les bureaux de la météo, j’étudie les documents donnant tous les renseignements: Corridors aériens, météo, régions interdites de vol, altitude minimum autorisée, etc… je prépare mon plan de vol en me servant du Jeppesen la règle à calcul immanquable, destinée à la navigation aérienne.

Règle de calcul Jeppesen
La distance qui sépare Le Caire de Tananarive est de 5.980 Km.

Première constatation: Nous ne pouvons pas parcourir cette distance d'une seule traite. Nous sommes donc obligés d’atterrir à Djibouti pour faire le plein. Renseignements pris, Djibouti est déjà au courant de notre périple. Ils ont été avisés par Le Caire.

Pour notre vol aujourd’hui, les vents ne sont pas favorables. Le bureau du Caire n’a pas pu me fournir assez d’informations, surtout sur les conditions météo après Assouan.

Il est 18:30 Nous quittons Le Caire. La distance à parcourir est de 2.554 km. jusqu'à Djibouti. Nous maintiendrons une altitude de 4.000 mètres, soit 12.000 pieds, et survolerons la mer rouge pour éviter quelques sommets après Assouan.

Nous quittons la station de contrôle Egyptien.

Je suis en contact avec Khartoum, et demande l’autorisation de survoler Asmara, afin de contacter Djibouti, pour notre atterrissage.

A 00:25, nous nous posons sur l’aéroport de Djibouti, après un vol d'une durée de 6 heures et 5 mn, pour faire le plein.

Il nous reste à parcourir 3.426 Km/.

A 02:15, nous quittons Djibouti après avoir pris une collation au restaurant de l’aéroport, avec les passagers.

Je prévois notre arrivée à Tana à 10:40, soit après plus de 8 heures de vol.

Dans cette région du monde, nous devons être très attentifs et donner nos positions toutes les heures aux contrôleurs des espaces aériens. Nous sommes constamment sous la surveillance des stations, non pour nous espionner, mais avant tout, pour nous épauler et nous fournir les renseignements et les aides en cas de besoin.

Oscar Delta Alpha Delta Hôtel (call sign de l’avion)

"Ahlan wa sahlam ya Air Liban, c’est Khartoum" Le contact est établi, je suis satisfait de l’accueil, je me sens en sûreté, quelqu’un dans la nuit me guide en cas de surprises inattendues.

Après Djibouti, notre cap est constant, vers le sud. Nous dépassons Mogadiscio, et nous survolons l’Océan Indien.

A 10:40, nous arrivons à Tana, après un vol qui aura duré 8 h.25. Les passagers fatigués nous quittent en nous remerciant, puis, ils disparaissent dans les couloirs sinistres de l’aérogare. 

Travail accompli, tout était parfait, aucun problème.

Durant le vol j’ai ressenti une sensation de bien être totalement différente de celle ressentie durant les vols vers l'Est, où la nuit tombe brutalement. C’est normal, car, tout le vol s'est déroulé sur la même longitude

Le retour sur Beyrouth est prévu pour le surlendemain.

Le lendemain de notre arrivée, dans l'après-midi, nous visitons l‘île. La terre est toute rouge, je me crois dans la Pampa, où des malgaches assis sur un âne et coiffés de leurs chapeaux en paille à larges rebords, vaquent à leurs occupations.

Il nous a fallu toute une journée de repos pour récupérer. C’était ma  première expérience où je cumulais autant d'heures de vol en moins de 24 heures. 

A 7:00, le jour du départ, nous prenons notre petit déjeuner au restaurant de l’aéroport, et sommes fins prêts pour une traversée de 14 heures. Nous ramenons l'avion, sans passagers, ainsi, nous ne serons pas obligés de faire une escale à Djibouti. pour faire le plein.

A l’aller comme au retour, chaque pilote prenait des poses à des moments bien définis, ainsi que le co pilote. Le cockpit était toujours occupé par deux pilotes ou par le co pilote assis aux commandes.

Seul le navigateur n’a pas pris le temps de se reposer, étant constamment occupé par les calculs de vitesse, de consommation de kérosène etc... et aussi de transmettre les positions, de dresser une carte météo de toutes les régions survolées, afin de la remettre personnellement à l’arrivée, au bureau de la météo à Beyrouth. 

Heureusement que j'ai gardé mon carnet de vol pour vous justifier des heures de vol que j'avais effectuées. C'est la preuve irréfutable, car toutes les heures sont réelles et certifiées par les autorités de l’Aviation Civile Libanaise ( copies ci jointes ).

Extrait du carnet de vol, Octobre 1959

Je ne sais pas si vous réalisez ce que ça représente d'être assis dans un cockpit de deux mètres carrés, en contact permanent avec le voisin, à quelques centimètres de lui, de le supporter pendant 14 heures, en essayant de garder son sang froid, et d'accepter certains de ses défauts. Il faut du courage. Le secret c’est l'amour de l'aviation.

Je contacte la tour de contrôle de Tananarive qui me répond: "Je vous attendais Oscar Delta Hôtel, soyez le bienvenu, le libanais. Les conditions météo au sol sont excellentes, vous utiliserez la Piste N°… la vitesse du vent est de… "

Toutes les stations que je contactais étaient au courant de notre traversée, et au premier appel, elles me souhaitaient la bienvenue "Air Liban, Ahlan Wa Sahlan, You are welcome, Bienvenue". C’était sympa de leur part. 

Je garderai un souvenir inoubliable de ce vol. Heureux d’avoir accompli cette longue traversée avec deux vétérans de l’aviation civile: Jacques Unvoas ( chef pilote ) et Guy Ferré.

J’aurais été tellement content de leur faire part de ce texte 

Mercredi prochain… Rencontre entre les randonneurs libanais et les randonneurs français dans le parc régional du Vercors-France (Isère)

Comments

  1. Je me souviens tellement bien de cette règle Jeppesen en laquelle tu avais une confiance absolue et qui était ta fidèle compagne en vol.

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  2. Tres beau texte je suis loic Unvoas le fils de Jacques Unvoas

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  3. Mon email
    Loicunvoas@yahoo.com

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