L’orgue qui datait de 1875 dans la chapelle des pères jésuites, à Beyrouth, commençait à donner des signes de fatigue. Les curés ont alors pris la décision d’en acquérir un nouveau.
En 1937, le Père Hedde, a été chargé par la communauté de se rendre en France pour passer commande à un facteur d'orgues.
Sa mission terminée, il embarque sur "Le Champollion" à Marseille, et accoste à Beyrouth une semaine plus tard.
Le second jour de la traversée, en se promenant sur le pont, il entend du piano. Le père Hedde, en fin connaisseur reconnaît aussitôt qu'il s'agit là d'un bon pianiste.
Il attend que celui-ci termine son morceau, s’approche de lui, se présente, et lui demande son nom: Bertrand Robillard. Le père Hedde le félicite et lui demande quelle est sa destination.
-L'île de la Réunion, lui répond Bertrand
Le prêtre étonné, veut connaître la raison du choix d'une telle destination
"Je suis originaire des Vosges, mon révérend. Un jour en me promenant au centre de mon village, j'ai vu une affiche vantant les charmes de ce beau pays. Le soleil, la mer, la plage, et j'avoue que cela m'a tenté J’ai fait alors le projet de m'installer dans cette île, pour y passer le reste de mes jours."
Le père, de son côté, lui explique sa présence sur le bateau, et l’invite à passer une quinzaine de jours au Liban, aux frais de la compagnie, juste pour se faire une idée de ce beau pays. Il aurait la possibilité de reprendre le bateau pour l’île de la Réunion, au prochain passage du "Champollion" dans 15 jours.
En fait, le curé avait échafaudé un plan qui était celui d'engager Bertrand Robillard en tant qu'organiste.
Bertrand n’hésite pas une seconde.
Personne ne l’attendait. Il était libre.
"Merci, répond-il, Pourquoi pas. "
A son arrivée à Beyrouth, Bertrand, un jeune français, est happé par les jeunes libanais, et libanaises qui lui font découvrir la plupart des villages libanais. A Jezzine, son heure était venue, il tombe sous les charmes d’une habitante du village. Quinze jours plus tard, le voilà marié.
Quelques jours plus tard "Le Champollion" est de retour à Beyrouth pour poursuivre son voyage vers L'île de la Réunion, mais cette fois, sans le jeune Bertrand à son bord.
Le voilà titulaire des nouvelles orgues de la chapelle.
Etant très fort en maths, il est aussi chargé de donner des cours aux classes de troisième pour la plus grande joie des élèves.
Quelques années plus tard, Bertrand est père de 3 garçons. Il se fait construire une villa à Furn-el-Chebbak, un quartier de Beyrouth.
Faisant partie de la chorale, je le côtoyais, et une amitié s'est créée entre nous. Il désirait connaître le pays hospitalier et me demandait de l’accompagner. J'ai commencé à parcourir le Liban sur sa moto. Il était très heureux, se sentant complètement libanais, entouré de sa famille
Nous sommes devenus de grands amis. A la fin de mes études, il a souvent été invité chez nous. Il faisait pour ainsi dire, partie de la famille.
Mais hélas, avec la guerre en 1974, je l'ai perdu de vue.
En 1950, notre chapelle étant en démolition, le père aumônier de la troupe scoute, également Chancelier de la Faculté de Médecine, nous offre la possibilité de célébrer notre cérémonie de mariage à la chapelle de la faculté de médecine.
C’était la première apparition de la Providence.
Ma sœur Rosette, cantatrice, et Bertrand Robillard à l'harmonium, ont animé la messe
A la sortie, tous mes scouts étaient présents pour faire la haie d’honneur.
C'était là le début de la grande aventure familiale.
Des années plus tard, à Paris, Jocelyne et deux amies musiciennes, sont appelées pour accompagner un banquet en musique.
A l'entracte, un homme s’approche de Jocelyne et lui demande si elle vient bien du Liban, et si elle connaît un Monsieur Séraphin.
Sans hésiter, avec un sourire, elle répond affirmativement:"c’est Papa."
Le monsieur lui répond alors, que son papa, Bertrand Robillard, lui parlait souvent de Séraphin.
"Le mien également, répond Jocelyne, il me parlait souvent du vôtre".
Ils étaient assez émus tous les deux
Pendant la guerre, ayant quitté le Liban, Bertrand est retourné en France, où il est décédé.
Très intéressant ce récit. Bravo Sérop
ReplyDeletede Henri Aboussan
Sur le Patriarche Victor
ReplyDeleteUn comeback de souvenirs très touchant…
Raconté comme si nous voyons les cènes vécues
Merci beaucoup
Mathieu
Cher Sérop
ReplyDeleteCes scènes vécues que tu as si bien décrits que nous les voyons comme des scènes d’un film et qui se déroulent devant nous
Ta main est pleine quand t' écris
Bref c’est du style Sérop
Tu nous as fait revivre Victor
Christian
Cher Serop , tu nous fais revivre les jours anciens ! J'aime te comparer à un Alphonse Daudet familiale lorsque tu ecris racontant si joliment la moindre anecdote y ajoutant soleil et grain de sel.. j'aime aussi dire que tel Saint Exupéry tu côtoyes les étoiles et tu apprivoises renard et nature .
ReplyDeletePour Robillard il faut aussi noter qu'on l'ecouter les dimanches sur les grands orgues de l'église voisine des jesuites. Sans oublier d'ajouter qu'il a été le professeur de Gabriel Yared qu'on connaît en France et des frères Rahbani, mari et beau frère de Feyrouz et de plusieurs autres... plus qu'un professeur Robillard était un grand maître!
Ces belles photos de mariage valent le détour! Elles sont de bien précieux souvenirs.
ReplyDeleteBonjour Serop,
ReplyDeleteMerci pour ce récit que j'ai lu à 06:00 du matin histoire de bien commencer la journée. Tous les détails sont là pour nous faire vivre ces moments précieux avec toi. J'étais au marché ce matin, j'ai pris le tram, j'ai négocié avec le porteur et je suis monté avec lui tout souffrant les trois étages (on sait pourquoi) pour ensuite goutter avec vous ces fruits et légumes du Liban qui a cette époque devaient être encore meilleurs qu'à la nôtre. Bravo a Fox qui ta retrouvé son ami. Continue d'écrire Serop stp...
La chapelle de la faculté de médecine où tu t'es marié avec Evelyne a été convertie en amphithéâtre pour les cours des étudiants, tous mes souvenirs s'y trouvent encore..
ReplyDeletejjD