J’ai fait la connaissance de Victor Sauma tout à fait par hasard. En 1977, nous nous trouvions Evelyne, Alain et moi dans les environs de Hrajel, et nous avons décidé de dire un bonjour, à Georges Farra, pilote à la MEA, ainsi qu’à sa chère épouse, Thérèse, qui habitaient dans une maison entourée de grands jardins.
Je connaissais Georges, pilote à la MEA, car je l'avais souvent rencontré à l’aéroport lors de mes vols à Air Liban. C’était également une occasion pour Alain de parler aviation etc…
Le papa de Thérèse, Victor, était présent, c’était la première fois que je le voyais.
En prenant le café, les vieux écoutaient sagement les jeunes raconter leurs aventures.
A un moment, Victor se tourne vers moi et me demande comment je passais mes dimanches. Je lui raconte les sorties faites avec les enfants, ainsi qu'avec le groupe de français au Liban en service au Consulat de France etc.. il m’arrête net.
"Viens ici dimanche prochain pour la marche, nous irons à la découverte du beau Liban. Tu seras la cinquième personne du groupe, en compagnie de Georges, Jacques, Elias…"
J'ai répondu oui à cette invitation, sans hésiter un seul instant.
Et dire que quelques minutes plus tôt, cet homme était un inconnu pour moi,
"Il faut que tu mettes des bottes, Sérop. C’est préférable d'en avoir là où nous prévoyons de marcher. Sois ici dimanche matin à 8 heures "
C’était le début des marches inoubliables qui n’allaient prendre fin qu’en 2005, à la mort de mon éternel ami.
Victor Sauma avait deux passions:
-Marcher à la découverte du Liban, en suivant les sentiers bénis,
et
-Animer les "lundis des Franciscaines", où des conférenciers exposaient leurs points de vues sur différents sujets d'actualité, sur la politique, la littérature, etc..
Ces rencontres se tenaient dans le salon des Sœurs Franciscaines à Beyrouth.
Pour ma part, je me consacrerais sur sa vie en temps que marcheur, à la recherche de la beauté des sentiers du Liban, sans oublier toutefois, en hiver, le parcours des cimes enneigées en skis de fond.
Le dimanche suivant, Evelyne et moi, étions exacts au rendez-vous. Nous avons commencé la première marche qui allait être suivie de plusieurs autres, toujours heureux d’être ensemble, toujours avides de connaître les secrets de ce petit pays tant jalousé par tous nos voisins.
Victor n’était pas seulement un professionnel de la marche, il était, et c’était le grand atout qu’il possédait, un guide conférencier du Liban. Il nous entraînait tous à la Découverte du beau LIBAN.
Nous l'écoutions dans un silence religieux nous raconter l’histoire de ce pays.
Des émirs, tels que les Abillamah, les Chehab, l'émir Fakhreddine etc…ainsi que la vie des saints qui ont jalonné tout le territoire libanais depuis des centaines d’années, tels que: Tadros ,Mena, Charbel, et bien d'autres encore.
Ces visites de châteaux, de sérails, et de lieux saints ressemblaient fort à des pèlerinages. Nous respections la croyance de chacun des marcheurs du groupe qui était composé de différentes religions.
De forteresses en garnisons, des couvents aux chapelles, tout était l’occasion de rappeler comment ce petit pays a pu survivre, grandir et prospérer .J’étais très étonné par cet amour du Liban qu’il m’a inculqué. C’était une école , une ouverture, une découverte qui se renouvelaient chaque dimanche, et qui augmentaient mes connaissances, (sans oublier mes origines arméniennes )
J'ignorais que Victor était un marcheur, qui m’a entraîné pendant des années à vivre cette vie incroyable À la découverte de l'authentique et beau Liban..
Dans les premiers temps, nous étions cinq marcheurs: Jacques, A, Elias, Victor et moi.
Dans cette aventure, nous n’avons jamais fait de publicité et deux ans plus tard, nous étions plus de 40 marcheurs.
Cerise sur le gâteau, Victor préparait de tout cœur ces sorties, ces histoires vécues, ou bien ces légendes, sans même attendre une rétribution, ou même un cadeau en retour.
Il a légué à sa petite fille, Nour, cet amour du Liban. Elle est maintenant Archéologue, sociologue des religions, et guide touristique
C’est aussi grâce à Victor que j’ai appris l’histoire du Liban Je l'avais parcouru du sud au nord en 1948. Je connaissais le paysan qui nous recevait avec joie, avec générosité, mais je n’avais aucune idée de son origine, de ses combats pour maintenir sa foi, sa légende, ni de ses luttes contre l’occupant ottoman.
Durant trente cinq ans, j’ai suivi Victor dans toutes les marches du groupe Nous étions tous sur la même longueur d'ondes, heureux de connaître ce Liban là. Nos marches étaient animées d’un désir de partager les secrets recueillis de la bouche même des vieux moines, des vieux paysans, ou encore, des émirs et cheikhs musulmans ou druzes.
En 1936, Au collège des Pères Jésuites, en même temps que l'apprentissage du calcul, de la dictée, ou du catéchisme, nous apprenions l’Histoire de France (nos ancêtres les gaulois…) Il n'y avait aucune référence sur l’Histoire du Liban. J’étais très étonné de cela. Je m'apercevais que je ne connaissais rien sur l'histoire de ce pays.
En 1925, mes parents avaient définitivement quitté la Turquie, pour venir s’installer au Liban, pays d’amour et de tolérance.
Victor, comment te remercier, pour ta patience pour nous faire découvrir ces vallées, ces montagnes majestueuses, ces cèdres centenaires, ces genévriers, ces sources où l'on buvait dans la paume de la main, (le verre en plastique n’existait pas) L’eau avait vraiment un autre goût
Le premier dimanche, nous étions cinq à te suivre. Quelques années plus tard, le groupe s’est appelé, "LE LIBAN A PETITS PAS", et nous avions dépassé les 200 membres.
Dans cette aventure, être membre ne sous-entendait aucune discipline militaire. Aucune cotisation n'était exigée. Non, tout était gratuit. C’était uniquement pour l’amour de ce que Victor avait à nous transmettre.
En guise d'héritage, il a écrit deux livres sur le Liban que je vous conseille de lire, et qui sont forts intéressants:
Le Liban à petits pas et, Sur les traces des saints bénis au Liban.
Sérop merci je me suis rappelé les belles marches avec toi et Victor
ReplyDeleteJ’ai, tellement envie de te voir
j’espère à très bientôt
Atef