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23. Semez la Joie…. autour de vous


Trouver dans ma vie ta présence
Tenir une lampe allumée
Choisir d’habiter ta confiance
Aimer et se savoir aimé

Croiser ton regard dans le doute
Brûler à l’écho de ta voix
Rester pour le pain de la route
Savoir reconnaître ton pas

Un dimanche en 2019, et comme tous les dimanches, nous avons rendez-vous à 8:00 avec le groupe des marcheurs devant la Chapelle à Badaro. 

Aussitôt l'autocar arrivé, les quarante marcheurs y grimpent. Ce sont tous des amis du "Liban à Petits Pas" Nous sommes heureux, car aujourd’hui nous allons fêter le Festival Annuel des Cerises à Hammana.

Depuis un an , je ne pouvais plus participer aux marches à cause de mes pieds enflés. Je me fatiguais très vite. Je prenais place dans l'autocar, juste derrière le chauffeur, pour avoir un panorama général de cette belle vue. Je tenais à me joindre au groupe. C’était devenu comme une maladie. Evelyne prenait part à la marche, et moi, quand j’avais de la chance, j’avais comme compagnons Atef ou Moustapha, qui étaient eux aussi dans mon cas.

Au carrefour de Mdeirej, après le village de Sofar, l'autocar s’arrête. Tous les marcheurs jeunes et en forme, descendent pour parcourir les kilomètres jusqu’à Hammana. Restent à bord les handicapés (des vieux marcheurs chevronnés) Atef, Moustapha, Nadine, Evelyne, et moi-même. Nous restons dans l’autobus qui nous conduira à Falougha (village proche de la destination finale ).

Le rendez-vous avec le groupe est prévu vers 14 heures pour le déjeuner en commun, au lieu-dit: Lamartine, à Hammana.

L'autocar nous dépose au centre du village, près de la fontaine. Je préviens le chauffeur que je le contacterai, dès que nous aurons fini de visiter le village à notre rythme.

Il fait beau, les arbres sont en fleurs, et les villageois endimanchés se dirigent vers l’église.  

Falougha est un village situé à plus de 1.250 mètres d’altitude. Des pins bordent la route tout du long. Il fait bon. Les oiseaux s'envolent dès qu’ils entendent nos pas. Nous passons devant une chapelle, et j’entends des cantiques en arabe Nous nous arrêtons pour mieux les écouter. Ces cantiques sont superbes à écouter dans le silence dominical du village. 

Je propose au petit groupe d' entrer pour écouter les belles voix, et nous joindre à la prière. Le premier, Atef (professeur d’Arabe littéraire à l’Université Arabe ) est d’accord. Suivi de Moustapha. ( Diplômé Chimiste USJ, responsable au ministère de l’Energie ) et de Nadine ( Kinésithérapeute ) Ce qu’on prenait pour une grande chorale, n’étaient simplement qu'un duo. Une jeune fille et un jeune garçon, très sympathiques, se tenant debout, à l’angle de l’autel. La messe était déjà bien avancée. Les deux jeunes entonnent alors un cantique en français, d’une voix un peu traînante. 

Je quitte le banc, et je m’approche des jeunes. Je leur fais signe de m’accompagner, ce qu'ils font volontiers.

A trois, nous reprenons le cantique depuis le début. Les deux jeunes sont heureux et me suivent avec le sourire. Dans la vie, il y a de ces moments uniques, qui ne se renouvelleront jamais.

Dans la chapelle, c’est le recueillement. 

La messe terminée, devant la porte, les dames nous invitent à prendre le café. Leur maison se trouve juste en face de la chapelle. Le prêtre s’excuse de ne pas pouvoir nous accompagner car il est appelé au chevet d’un malade.

Nous sommes une quinzaine avec les villageois, toutes générations confondues Tous me remercient d’avoir participé à leur messe, surtout en animant le cantique. J'ignorais que j’avais une si belle voix.

On nous sert le café accompagné de petits gâteaux. L’ambiance est très agréable. Je demande que les deux chanteurs soient assis à côté de moi. Me tournant vers la jeune fille, je lui demande si elle va à l’école. Elle me répond avec un petit sourire, qu’elle vient de terminer ses études à l’Université.

Le jeune homme quant à lui, m'apprend qu’il a été embauché, à Beyrouth, par une grosse boîte de télécommunication. Je me sens tout bête. Je ne sais que répondre. Je ne m’attendais pas à ce que dans un village, on s’intéresse aux études. ( aux études poussées, s’il vous plaît ) J’oublie que nous sommes en 2019. Quelle différence de culture entre ces villageois et ceux de 1948! C’est avec aisance, et une certaine assurance, que les deux me répondent d’une façon intelligente. Je suis loin de ma traversée de Jezzine à Ehden. C’est moi qui suis en retard, car je vis dans mes souvenirs. Je ne suis pas encore intégré dans la nouvelle civilisation.

La nouvelle civilisation ( avec la télé et le cinéma, la vie normale de tous les jours a été complètement transformée, mais ils gardent ancrés en eux, le sens de l’accueil, la générosité, et surtout, le sourire.)

Nous sommes une quinzaine, tout le monde parle, heureux de se retrouver ensemble, ils nous considèrent comme des amis, Je prends alors la parole pour les remercier de nous avoir reçus. Evelyne se lève, commence à serrer les mains pour dire au revoir, quand je l’arrête en prenant la parole:

"Chers amis, vous nous avez gâtés. Nous garderons un très bon souvenir de cette matinée inoubliable, dans votre beau village: "Falougha". Nous ne pouvons pas vous quitter sans vous dire toute notre amitié. Nous allons chanter comme chez les scouts, le chant de l’Au Revoir. Faisons un cercle, tenez vous les mains, s’il vous plait. C’est un jour inoubliable, nous reviendrons avec plaisir je vous le promets."

C’était touchant de voir ces villageois se tenir par les mains, hommes  femmes, enfants, et chanter avec joie. Nous nous quittons à regret. Je mesurais leur enthousiasme à la façon dont ils nous ont enlacés 

"Revenez nous voir, ne nous oubliez pas, heureux de vous recevoir "etc… c’était émouvant…

Je constatais, qu’avec le temps, de 1948 à 2019, le cœur des villageois avait gardé la même chaleur.

A 14:00, nous rejoignons le groupe, et partageons nos repas. Toujours la même ambiance, la joie de se retrouver, le rire, la gaîté. J’ai alors compris pourquoi je tenais encore à fréquenter ce groupe, malgré ma maladie

Au dessert, nous avons eu droit à des cerises. La grande Joie

De retour à Badaro, nous nous promettons, avec des bisous, qu’on se reverra dimanche prochain.

Mercredi prochain…. Pèlerinage à Jérusalem en 1947.

Il est 22 heures, mardi, la veille de la parution de la gazette   N°23 "Semez la joie…"

Je sursaute dans mon lit. Encore tout endormi, je cours vers mon ordinateur. D’abord, téléphoner à Jocelyn et lui demander de stopper l’envoi du blog N° 23. d’ignorer mon "Bon à Tirer", car il y a une suite importante qui m’a échappé. Cela m’a empêché de dormir. 

Je venais de réaliser que cette sortie à Falougha était la dernière sortie que nous faisions, Evelyne et moi, avec le groupe de marcheurs "Le Liban A Petits Pas." C’était un rêve de ma vie qui prenait fin.

Trois jours après la sortie de Falougha, je tombai de mon vélo d'appartement. Résultat: un os de mes vertèbres s'est cassé. Je ne pouvais plus marcher, et la douleur était insupportable. 

Depuis Avril 1977, j’avais été présent aux rendez-vous tous les dimanches. Je n'en avais jamais manqué un seul. J’étais même le premier arrivé sur place, et ce, quelles que soient les conditions météo. Toute cette aventure, cette Grande Aventure de ma vie à la découverte du beau Liban "du Nord au Sud", était terminée, envolée.  

Ce n'était pas possible. Je n’arrivais pas à l'admettre. Après 40 ans, en compagnie de Victor et du groupe, des amis, de vrais amis, me voir ainsi dans l'obligation de les quitter, de m’arrêter de parcourir le beau Liban, de stopper? J’étais fidèle à ce Liban qui m’avait donné tant de bonheur. Cela me révoltait.

Je n’aurais pas dû donner ce titre au blog N° 23 "Semez la joie autour de vous ", mais plutôt, "La dernière sortie de Sérop sur les sentiers du beau Liban"

Réflexion faite, la vie joue parfois des tours à sa manière. Je décide finalement de garder le titre initial,

"Semez la joie autour de vous" de ma part, que ce soit un message inoubliable à tout le groupe, et à tous mes amis.

Comments

  1. Merci Daddy pour ce beau texte, merci de partager de si belles histoires avec nous, et de les faire ainsi durer davantage.

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  2. Cher Serop bonjour !
    Toute ta vie est de semer la joie autour de toi! Je remercierai toujours le Ciel de m'avoir fait découvrir notre beau Liban à vos côtés. Votre amitié- et notre collaboration - a été pour moi une grande source d'inspiration. Ta joie de vivre et ta complicité avec notre cher Victor ont changé la vie de tous ceux qui ont marché avec le groupe du Liban à Petits Pas.
    Nb. Je renvoie ton dernier article à Siham et Moustapha qui a participé à cette journée inoubliable.

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