Une après-midi, je suis à la libraire avec Evelyne, quand le téléphone sonne. C’est une voix inconnue qui me demande si je suis bien Mr. Delifer Sérop. Ayant confirmé, elle continue, en se présentant comme étant la dame de compagnie de la première dame, la présidente de la République, Mme Hraoui.
" Madame Hraoui, souhaite réaliser des travaux de rénovation dans certains monuments de l’Etat, ( écoles, musée etc )ayant subi les bombardements de la guerre A cette fin, elle a invité Maître Jean Pierre Rampal pour donner quatre concerts à Beyrouth. Maître Rampal est d’accord pour offrir au Liban sa contribution pour la reconstruction des sites touchés, mais à la seule et unique condition, que ce soit M. Delifer qui l’accompagne durant tout son séjour au Liban."
Avant de répondre, Evelyne, qui a écouté toute la conversation, demande que Mr. Rampal, accepte d’être notre hôte à dîner à Val Fleuri, le soir de son arrivée à Beyrouth,
La dame de compagnie répond qu’elle doit d’abord en parler à Mme la présidente, avant de télexer les conditions de Mme Delifer à Mr Rampal
Dix minutes plus tard, la réponse de Rampal est affirmative, et d'ajouter que ce sera un honneur de commencer son séjour par un dîner chez Mme Delifer.
Le jour de son arrivée, je me tiens au salon VIP de l’aéroport ainsi que les deux solistes (Daniel Roi, pianiste, et Claudi Arimany, flûtiste )l'accompagnant. Ils sont reçus par les instances musicales du Conservatoire de Beyrouth, etc..
La cérémonie de bienvenue avec champagne terminée, Rampal s’assied dans la Golf près de moi. Les deux autres musiciens sont à l'arrière. Devant la délégation venue le recevoir avec des voitures immatriculées à deux chiffres, je me sens ridicule mais heureux. Rampal a compris mon hésitation. Il se tourne vers moi en disant avec un sourire, "on s’en fout, je suis beaucoup plus à l’aise ici que dans les grosses voitures."
Après une courte halte à l'hôtel Printania à Broummana, nous voilà à Val Fleuri, où Evelyne en pleine forme, a déjà reçu Mr. Voisin , attaché culturel au consulat de France.
Je suis très étonné de voir arriver des journalistes de l’Orient-Le Jour. Mme Massamiri, du journal Nahar et du Daily Star. Je vois aussi un grand bouquet de fleurs offert par Mona.Moukarzel.
Evelyne s’était surpassée avec son menu: Riz au poulet..
Le premier concert a été donné dans les ruines du musée de Beyrouth, devant une assistance de personnalités libanaises, ainsi que des ambassadeurs étrangers. Rampal a donné en tout quatre concerts, et le samedi matin, quand je me suis présenté à l’hôtel, il m’a fait comprendre qu’il serait content d’aller à Baalbeck. Mardi matin, il reprenait l’avion de retour à Paris.
Une fois dans la Golf, avec Jean Pierre assis à côté de moi, Evelyne à l'arrière, je remarque un inconnu, assis à côté d’elle. Je suis très étonné et lui demande son nom, et aussi qui l’a autorisé à prendre place? Il me répond en anglais, qu’il est un journaliste du Daily Star, journal local, et qu'il est là avec l’accord de Rampal.
En tant que libraires, nous avions été chargés de vendre les billets pour les quatre concerts. La dame de compagnie nous ayant fait comprendre que les recettes seraient reversées en totalité à la fondation de Mme Hraoui, et qu’on ne devait espérer aucune commission pour la librairie. Nous donnons notre accord. en guise de participation à l’œuvre de Mme Hraoui.
Vendredi soir avait lieu le dernier concert, pour permettre à Jean-Pierre Rampal et à ses accompagnateurs, de profiter de deux jours de repos.
Durant tout le trajet, dans la ,grande plaine de la Bekaa, Maggy, notre employée en charge de la vente des billets, n’a pas cessé de me téléphoner en m’informant qu’il y avait encore des personnes intéressées, et de savoir si le maître était disposé à donner un dernier concert. J’explique à Jean-Pierre la raison de ces coups de téléphone incessants.
Il me demande si je suis en mesure de trouver une salle disponible pour lundi soir, et si oui, qu'il est prêt à offrir une séance supplémentaire avant son départ, le lendemain.
J’appelle aussitôt Mr Voisin ,et lui demande si la salle de concerts au consulat est libre le lundi à 19:00, en lui expliquant qu'un nombre important de personnes souhaitaient écouter Jean-Pierre Rampal.
Mr Voisin est d’accord pour mettre la salle à la disposition de Rampal pour un dernier concert.
Je préviens Maggy de l'accord de Mr Voisin pour ce dernier concert.
Nous étions devant une grosse difficulté. Il m’était impossible d’aviser le public de cette séance imprévue. Le quotidien "l’Orient-Le Jour" ne paraissant pas le dimanche pour lancer la nouvelle.
Arrivés à Baalbeck, le guide Moustapha, reconnaît Rampal qu'il avait connu dans le passé. Il lui ouvre la grande porte et les villageois le reçoivent avec des cris de joie. Je suis ému par cet accueil.
Il se dirige alors vers le temple de Bacchus. A l’entrée, à gauche, se trouve un banc en pierre, où il dépose son étui, et s’adressant à ses deux amis, il leur demande de l’accompagner.
Nous étions six personnes au total dans cette majestueuse salle. Je me trouvais presque collé à Jean Pierre, pendant qu'il montait sa flûte. Il se penche alors vers moi, et me confie "C’est pour toi que je joue ce morceau de Mozart " J’étais très étonné et bouleversé. Je gardais le secret. Quel plus beau cadeau!
Formidable. Baalbeck n’a pas changé: c’est moi qui ai changé, je l’ai senti en montant les marches du temple de Jupiter
J.-P. Rampal
A midi, on s’arrête à Zahlé, Evelyne et moi offrons à Rampal et ses solistes, un repas à la libanaise, arak, poisson etc…
A notre retour, Maggy, m’informe que le quart des billets était déjà vendu, et ceci, sans aucune publicité, mais seulement grâce au bouche à oreille….
Le lundi soir, à la porte de la salle de concerts du consulat, on a dû refuser l'entrée à des amateurs de flûte qui n'ont pas pu assister à la dernière séance offerte par Rampal aux libanais.
Le lendemain mardi, à 7:00, j’accompagnais les 3 musiciens à l’aéroport, pour qu'ils prennent le vol d’Air France pour Paris. Pour la première fois, Jean Pierre m’enlace, et me dit: " Sérop merci."
Je ne savais pas que c’était notre dernier Au Revoir.
Je n’oublierai jamais ce grand maître, Jean Pierre Rampal, au cœur généreux, pour qui j'avais beaucoup de reconnaissance, pour avoir aidé et encouragé un jour, ma fille Jocelyne alors âgée de 15 ans, à l’Hôtel Carlton, à Beyrouth à se lancer dans le monde merveilleux de la musique.
( ref. blog N° 5 du 16 décembre 2020 )
Article paru dans l'Orient-Le Jour à l'occasion de cette tournée (lien):
Il donne un concert ce soir J-P. Rampal : ma flute, je ne la vendrais pas pour un empire, 26 avril 1997
Chers Evelyne et Serop,
ReplyDeletePapa, Yann et les enfants s'associent à moi pour vous souhaiter une heureuse fête de Pâques et profitons de ce message pour vous dire comme nous sommes heureux chaque semaine de lire votre blog ! Merci de le partager avec nous, ce rendez-vous du mercredi est un grand plaisir pour chacun !
Nous vous embrassons très affectueusement tous les deux
Henriette
Merci encore Serop pour ces partages. Le mercredi, quel joli rendez-vous avec des souvenirs chargés d'émotion ! Que de belles rencontres, page après page ; celle de ce jeune qui a osé poursuivre son rêve, est très touchante. Comme il a eu raison... Les artistes sont essentiels au monde.
ReplyDeleteBises à tous les deux et joyeuses Pâques à tous ��