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19. Beyrouth, Alep, Milan, Rueil-Malmaison en 3 jours

Un matin de 1976, durant la guerre au Liban, nous apprenons que l’ambassade de France offre aux français résidant au Liban, la possibilité de quitter le pays par voie maritime. L’aéroport de Beyrouth était fermé. Nous n’étions pas encore citoyens français. Je présente notre demande au consulat disant que nous étions intéressés par ce départ vu la présence de nos enfants en France. Après intervention du quai d’Orsay, et grâce à l'action de Laurent à Paris, l’autorisation est accordée. Le lendemain à 6 heures, Evelyne Alain, moi, ainsi que notre chienne Sandy, nous nous rendons à Jounieh où un bateau de guerre français nous attend au large. 

Nous quittons le Liban dans l'après-midi, et arrivons à Limassol dans la soirée.

Nous dormions sur le pont.

Dans la journée, nous passons le temps à l’aéroport de Limassol afin de bien surveiller Sandy. L’après midi, un avion 747 de la Compagnie Air France nous amène à Orly. Georges et Annick nous reçoivent chez eux, à Rueil-Malmaison.

Une occasion de remercier à nouveau Georges et Annick de tout cœur pour leur hospitalité proverbiale. Nous comptions rester 15 jours. Nous sommes finalement restés deux ans en France.

Au bout de deux semaines, impossible de rentrer. La guerre faisait toujours rage à Beyrouth. Nous constatons alors que nous n’avions absolument pas prévu de vêtements pour affronter l’hiver. Au départ de Beyrouth, nous étions trop optimistes.

Pour nos déplacements à Paris, nous aurions bien voulu avoir également notre voiture.

La seule possibilité qui s'offrait à nous était de prendre le risque de revenir à Beyrouth via Chypre, et de rejoindre Paris en voiture, via la Syrie, l’Italie, etc. J’en prends la responsabilité.


Avant de quitter Beyrouth, Evelyne avait préparé deux valises, Il fallait que je ramène l’une d’elles. J’ai demandé à Laurent qu'il vienne me rejoindre à Alep chez nos cousins, les Jermakly

Nous avions quitté Beyrouth en catastrophe. Il m’a fallu trois jours de préparatifs à Beyrouth avant de repartir pour la France (j’ai eu ainsi l’occasion de revoir, mes sœurs et mes frères à la montagne, de faire une visite à la banque pour mettre de l’ordre, et surtout de m’assurer que la librairie était bien tenue par un de mes amis.)

Ma tante Rose Delifer, la maman de Françoise et de Jean, ayant entendu que je retournais à Paris via Lyon où Jean faisait ses études, a demandé à faire partie du voyage. 

Laurent de son côté, devait se rendre de Paris à Alep en avion, et m’attendre chez les cousins d’Evelyne. Le jour J je passe chercher ma tante Rose. Nous arrivons à la frontière Libano/Syrienne. Une file énorme de camions et de voitures attendent leur tour pour effectuer les formalités frontalières nécessaires pour se rendre en Syrie. Je me renseigne: il faut une autorisation spéciale, délivrée par un responsable syrien, le général Kanaan. ( les syriens présents partout ) Je me présente au bureau du général, je m’entends dire qu’il faut un ordre de Beyrouth. Quelle déception! Et moi qui devais rouler le moins possible, les stations services étaient toutes fermées, je comptais faire le plein une fois la frontière passée. J’étais devant un mur. Je ne savais quelle décision prendre.

En revenant vers la voiture, désespéré, je me souviens qu’en 1957,( il y a donc 20 ans ) un jeune capitaine de l’Armée de l’air Libanaise, Georges K. avait pris des cours particuliers au Civil Aviation Safety Centre. J'avais été chargé, par le directeur, de lui apporter les connaissances nécessaires concernant la technique du vol de nuit. Il a suffi de quelques heures pour l’initier au vol de nuit et, cerise sur le gâteau, pour terminer, je l’avais fait voler sur le simulateur de vol. Nous nous entendions très bien. Avant son départ, il a voulu remercier le patron Georges S. pour ces quelques jours passés en ma compagnie.

Je me dirige aussitôt vers Rayack, l’aéroport militaire de l’Armée de l’Air, avec l’espoir que Georges K. soit présent.

Arrivé devant la caserne, je fais part à la sentinelle de mon désir de rencontrer le Commandant Georges K. Quelques minutes plus tard, je vois Georges arriver en courant, très étonné, qui m’enlace en me demandant la raison de cette visite. Je lui explique que je suis devant un mur. Sans hésitations, il me donne rendez-vous pour le lendemain matin à 8:00, devant la caserne. Quelle coïncidence! 20 ans plus tôt, je suis chargé par le patron de m’occuper de Georges K. (j’avais été sélectionné parmi les 3 instructeurs du Centre,) Était-ce un hasard? 

Tante Rose et moi, passons la nuit chez un cousin, le Père Jean Orchanian, curé de la paroisse à Anjar, près de la frontière. Le lendemain matin à l’heure dite, je suis devant la caserne. Le commandant Georges K., en personne, m’attend dans sa jeep et me demande de le suivre. En arrivant devant la file ininterrompue de camions, il prend ma carte d’identité ainsi que celle de tante Rose. Nous l’attendons. Tante Rose reprend son chapelet.

Quelques instants plus tard, j'avais en ma possession un ordre m’autorisant à traverser les 2  frontières par un passage privé réservé aux dignitaires. 

Incroyable! Brave Georges… merci. Qu'aurais-je fait si Georges ne se trouvait pas là ce jour-là? Je n’ai pas eu le temps de le remercier ce Commandant Georges. 

Il a fallu 3 jours de contact, avec 3 heures d’études journalières et un café par jour pour laisser un souvenir inoubliable. 

Nous traversons la frontière, comme des seigneurs, remplissons nos réservoirs. Nous arrivons à Alep avec un jour de retard sur le programme établi. Laurent et les Jermakly, étaient très inquiets. Je n’avais aucun moyen de les aviser de notre retard. Le cellulaire n’existait pas encore.

J’appris plus tard que Laurent n’en avait pas moins souffert pour rejoindre Alep. Il avait alors 19 ans et étudiait au Lycée Sainte-Geneviève à Paris. J’avais appelé le secrétariat de l'établissement en demandant d’informer mon fils que je devais le joindre dans les plus brefs délais. Le secrétaire, conscient des enjeux, s’empressa de chercher Laurent au dortoir pour qu’il puisse recevoir mon coup de fil. J’explique à Laurent que la Mercedes est chargée et prête à partir et lui demande de me rejoindre chez tante Huguette à Alep pour faire la route ensemble vers la France. Mais impossible pour lui de trouver des vols pour Alep depuis Paris. Il trouve finalement un vol opéré par Air France à destination de Damas. De là, il doit s’arranger avec les locaux pour emprunter une voiture et parcourir les 420 km restants qui le séparent d’Alep. Arrivé chez tante Hugette le jour prévu, Laurent est surpris et quelque peu inquiet de ne pas me voir. Finalement le deuxième jour, il reconnaît le klaxon de la Mercedes et comprend immédiatement que je suis arrivé à bon port.

Nous sommes reçus royalement chez Huguette Michel et Georges, comme toujours.

Je contacte Evelyne pour la rassurer. Rendez-vous est pris pour le surlendemain soir à Rueil.

Le lendemain, après le petit déjeuner, très copieux ( l’habitude des Jermay ),nous quittons tous les trois Alep de bonne heure, en direction de Milan. Laurent est aux commandes. Tante Rose reprend son chapelet.

La route est longue, et la Mercedes commence à fatiguer, à tel point qu’elle ne parvient plus à atteindre la vitesse maximale autorisée de 120 km/h. Nous traversons alors la Bulgarie et Laurent décide qu’il nous faut nous arrêter et inspecter le moteur. Pas de garage dans les alentours, ni de service de dépannage. Nous devons nous débrouiller et mettre nos mains dans le cambouis. Une membrane du carburateur s'était déchirée. Par chance nous parvenons à la remplacer et reprenons la route.

Arrivés à Milan à 22:00, nous trouvons un hôtel, et y réservons deux chambres .

Laurent ayant remarqué une Pizzeria juste en face de l’hôtel, me demande de l'emmener déguster une vraie pizza à l’italienne. Il a eu parfaitement raison. La pizza, la vraie, était excellente. Le lendemain matin, à 6:00, sans tarder, nous reprenons la route pour Turin, en toute vitesse, avec tante Rose assise à l'arrière.

Une demi- heure avant d’arriver à Turin, je remarque que j’ai oublié nos passeports à l’hôtel. Bien obligés, nous rebroussons chemin. Je ne me souvenais plus du nom de l’hôtel, et dans ma hâte, je n’avais même pas demandé la facture des 2 nuitées. Laurent s’est alors rappelé du nom de la Pizzeria. Nous étions sauvés. Voilà, à quoi sert d’écouter vos enfants. Nous traversons Turin où toutes les voitures immatriculées étaient des FIAT. J’étais la seule allemande. 

En France nous prenons la direction de Lyon. Tante Rose reprend son chapelet.

Nous allons directement à l’Université des Pères Jésuites. Après un quart d’heure d’attente, un père vient et veut s’assurer que c’est bien Jean Sébastien Delifer que nous voulons voir. Je présente Rose, la maman, 


Il nous dit avec fierté, que Jean est un cas rare, d’une très grande intelligence et qu'il fait honneur à leur Université. "Je vous félicite Madame". Nous laissons Rose entre les mains de son fils, (mission accomplie ) et reprenons la route vers Paris, direction Rueil-Malmaison. Laurent m’a beaucoup aidé. Seul, je n’aurais. jamais pu faire ce long voyage en si peu de temps, et aussi pour avoir retrouvé nos passeports à Milan.

Arrivés à Rueil en débarquant nos affaires de la voiture, Evelyne remarque que j’avais pris également la valise destinée à nos nécessiteux libanais, 

Le lendemain, avec la Mercédès, nous rendons visite à Emmaüs, tout heureux de nous accueillir, avec en cadeau, la valise venant spécialement du Liban.

Je me souviens… Du sang urgent pour Jean Pierre (mon jeune frère)

Un matin à la librairie, je suis seul avec 3 clients.

La Librairie Antoine nous fournit la totalité de la presse française. et une fois par mois le percepteur sur sa moto, vient récupérer le chèque déjà préparé.

Ce jour-là, la moto du percepteur s’arrête devant la librairie. A ce moment le téléphone sonne, je tiens le chèque dans ma main gauche, et je décroche le téléphone de l'autre main. C’est ma sœur Lily, alarmée, qui m’appelle de l’hôpital, pour me dire que le médecin demande du sang pour Jean Pierre de façon urgente.

Je lui réponds que je suis dans l’impossibilité de quitter la librairie. Lily me suggère alors de lancer un appel par la radio locale.

Le percepteur écoute la conversation et comprend qu’il s’agit d'une demande de sang. Aussitôt, il se dirige à toute vitesse vers sa moto en me demandant le nom de l’hôpital ainsi que celui de mon frère, et dans sa hâte, il oublie de prendre le chèque.

Assis sur sa moto, il s’adresse à moi: 

"Prévenez votre sœur que je vais de suite à l’hôpital donner mon sang" 

Une scène incroyable. Les clients sont étonnés de la rapidité à laquelle ce garçon a décidé, sans aucune hésitation, de se rendre à l’hôpital.

Toute la scène n‘a pas duré 2 minutes.

5 minutes plus tard, Lily me téléphone pour me remercier.

Ouf

La semaine prochaine: Un étudiant de 3eme année d’Ingénieur à l’USJ, préfère la peinture

Comments

  1. Cher Serop ;
    Du conte , tu passes à l'épopée! De Sindibad à Ulysse! Cher Cousin je suis essoufflée rien qu'en te lisant et...comme maman j'aimerais reprendre son chapelet. C'était une période noire que seul ton style épique sait refaire vivre . Ainsi que ces autres moments au chevet de Pierrot ! J'attends déjà la semaine prochaine et puis pour midi pourquoi pas une pizza ?

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  2. Comme le dit si bien Françoise, c’est une vraie épopée ! Une aventure digne d’un scénario de film ! On arrive très bien à imaginer les scènes en te lisant.
    Et si je ne me trompe, c’est sur cette même Mercedes que tu nous a appris à conduire.
    Vivement mercredi prochain !

    ReplyDelete
  3. Juste une correction au sujet de l'intervention aupres du quai d'Orsay, Jocelyne a beaucoup aide avec ses amis qui travaillaient au quai d'Orsay , c'etait un team effort. Et je laisserai Alain nous donner l'histoire de Sandy qui transit a Chypre et qui evite la quarantaine

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    Replies
    1. Oui c’est vrai. C’était grâce à l’aide efficace du maire de Jouy en Josas où j’enseignais à l’époque. Un homme exceptionnel.

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