Alain est appelé à prendre le vol régulier sur Boeing 747 de la MEA, en direction de São Paulo. L'avion doit d’abord faire une escale à Abidjan et quitter le lendemain matin pour São Paulo.
Le soir de son arrivée à Abidjan, seul dans sa chambre, Alain pense compter la somme de ses perdiems*, composée de plusieurs monnaies de pays différents.
En prenant la France, par exemple, la monnaie était calculée sur la base de FRANCS, l’Espagne, de PESETAS, la Grande Bretagne de LIVRES STERLING, etc…
Alain n’avait jamais calculé les restes des petites monnaies restantes. Elles étaient accumulées dans une grande enveloppe brune. Il n’avait jamais eu l’occasion de les compter.
Le lendemain, départ pour São Paulo. Quelques heures plus tard, l’avion survole la ligne de l’équateur.
Arrivé à São Paulo, Alain remarque que l’enveloppe brune a disparu. Il appelle aussitôt la direction de l’Hôtel Hilton, à Abidjan. Le directeur répond que l’enveloppe se trouve en sécurité, chez lui, et sera remise à Alain, à son retour le lendemain. Le garçon d’étage, ayant remarqué l’oubli, avait remis en toute conscience l’enveloppe au directeur.
Ce dernier ajoute que la somme se trouvant dans l’enveloppe était intacte. Cette somme représentait le salaire de trois années de travail du garçon d’étage.
En effet, Alain avait noté, en détail, le total de chaque monnaie.
De retour à Abidjan, Alain se rend chez le directeur de l’Hôtel, lui demande de rencontrer le garçon d’étage pour avoir un entretien particulier avec lui, devant la porte du bureau.
– Tu sais, demande-t-il au garçon, quelle somme contenait l’enveloppe ?
– Oui, Monsieur, beaucoup !
– Pourquoi, tu n’as pas gardé ?
– Ah, non Monsieur, c’est défendu, je suis chrétien.
Alain, étonné de la réaction du garçon, entre dans le bureau du directeur et lui demande s'il peut dicter son témoignage à la secrétaire.
En quelques mots, Alain déclare que durant sa vie d'aviateur lui ayant permis de parcourir le monde entier, il n'a jamais rencontré quelqu’un d’aussi honnête. Il demande alors au directeur d’envoyer ce texte à toutes les agences de l'Hôtel Hilton du monde entier.
Le garçon, qui pleurait d’émotion, demanda à avoir une copie de cette déclaration.
Des années passent, un ami de grande valeur, le père Gemayel, à qui j’avais raconté la mésaventure d’Alain à Abidjan, est appelé à Paris, en tant qu’évêque, responsable de toute l’Europe.
Lors d’une de ses tournées dominicales, il se trouve à Vienne (Autriche) dans une grande cathédrale où il célèbre la messe. Au cours de son sermon, il relate l’histoire d'Alain à Abidjan en citant son nom. Mme Kanssabédian (une de nos amies) se trouvait à la cathédrale. En entendant le nom de Délifer, elle appelle aussitôt sa fille au Liban, pour s’enquérir de la véracité d’un Délifer connu, s'il s'agissait bien du fils de Séraphin et d’Evelyne.
Le monde est parfois petit, et on n’est pas seul. On est entouré de parents et d'amis. On n’est pas isolé dans ce grand monde, et croyez-moi c’est une grande chance, d’être entouré de vrais amis.
*perdiem = indemnité perçue par l’expatrié pour lui permettre de vivre dans un pays autre que le sien.
Je me souviens….
Profitant de l’absence d’Evelyne à Paris, un ami médecin me conseille de faire des examens, poussés, IRM, radios, etc... Je me rends alors à l'Hôtel Dieu, sans aviser personne. Dans ma chambre, je remarque un autre malade, Abou Tony, d’un certain âge, silencieux.
L’après- midi, un jeune homme arrive, avec sous le bras un petit tapis. C’était le fils du malade, à qui il fait remarquer en me désignant, qu’il me considère comme son frère :
– Tu seras au service de Monsieur Sérop, mon frère, tu vas le servir, comme si tu me servais.
Le soir, le jeune homme, pour veiller son père, pose le tapis par terre pour dormir.
Abou Tony, renouvelle ses recommandations, en lui rappelant d’être à mon service la nuit, de ne pas oublier d’avoir la même attention, envers Monsieur Sérop, au cas où il aurait besoin de quelque chose.
Le matin, le jeune homme nous quitte.
Le lendemain, dans la matinée, un autre jeune homme arrive, avec également un tapis sous le bras, je comprends qu'il s'agit du second fils de Abou Tony, et à qui il fait les mêmes recommandations qu’au premier.
Durant la nuit, je devais aller à la toilette, je sonne plusieurs fois, l’infirmier tarde, je ne pouvais pas y aller seul avec les pansements, quand je remarque que le jeune homme, étendu sur le tapis, se réveille, debout devant moi, avec le sourire. Gentiment il me soutient et me conduit à la toilette, attendant que je termine, et me ramène au lit en me souhaitant bonne nuit. À ce moment l’infirmier de nuit, arrive, s’excuse…
Incroyable... Je n’arrivais pas à comprendre le geste de ce jeune qui suivait les recommandations de son père. Quel dévouement, je ne comprenais pas. Je ne savais pas comment remercier cet inconnu, pour qui j’étais un frère.
Le lendemain, à midi, je quitte l’hôpital, tout en remerciant Abou Tony et en lui souhaitant bonne guérison.
Le surlendemain, j’achète une boîte de chocolats, et je me rends à l’hôpital pour le lui remettre et remercier ce grand cœur de sa bonté.
Quand j’arrive, devant la porte de la chambre, je remarque l’infirmière qui me salue et me dit : – Vous venez voir Abou Tony ? Il est mort, hier, juste après votre départ.
J’étais bouleversé, ému et pourtant nous ne nous sommes pas adressés la parole, ces deux jours. C’était comme si je perdais un ami de longue date. Je suis resté muet.
En me retournant vers l’infirmière, je ne savais pas quoi dire, j’étais empli d’émotion. Je lui remis la boîte de chocolat en ajoutant « Que Dieu ait son âme. »
J’étais triste en rentrant chez moi.
Quand j’écris ces quelques lignes, je me rappelle de ce jour inoubliable, de cet Abou Tony inconnu, qui m’a beaucoup appris.
Bonjour Serop,
ReplyDeleteMon Mari s’appelle Pierre. Je suis tres curieuse de te lire,j’attends ton blog chaque semaine Je fois dire que tous ces souvenirs sont tres divertissants mais Je propose qu’une fois le Covid depasse ,que toute cela sont imprime dans un petit fascicule ainsi il sera conserve pour les generations futures ! MarieRose