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15. Le baptême de Violaine à Chambors en 1980

De 1972 à 1979 Jocelyne a été (entre autres), professeur de flûte à l'école de musique de Jouy-en Josas, près de Versailles. Une année, elle a demandé à Mme Révillon, la maman d'une de ses élèves, (des Grands Magasins de Fourrures) si elle pouvait lui conseiller un lieu où passer les vacances d'été avec ses parents.

Il se trouvait que Mme Révillon et sa famille possédaient une maison à Chambors près de Gisors, (dans l'Oise) où ils n'avaient plus l'occasion de se rendre. La maison étant disponible, elle a gentiment proposé à Jocelyne de la lui louer pendant les vacances.

Evelyne se trouvait à ce moment-là chez Jocelyne. C'est ensemble, et avec Allain, qu'elles se sont rendues sur place un dimanche, pour visiter la maison sur la proposition de Mme Révillon.

Avec la voiture de Jocelyne et Allain, elles ont parcouru les 100 km, pour arriver dans un petit paradis. En voyant la maison, elles sont aussitôt tombées sous le charme du lieu, et sur-le-champ, ont donné leur accord pour réserver la propriété pour le mois d’Août. 

Pendant 5 années de suite, nous passerons des vacances, enchantées, dans ce merveilleux décor.

Une très belle maison, complètement rénovée avec sa grande cheminée à l’ancienne, une cuisine avec toute la batterie nécessaire pour une douzaine de personnes, trois grandes chambres à coucher, un grand jardin. Le jardinier venait tous les 15 jours entretenir le gazon. Le calme absolu, seulement chatouillés par le chant des oiseaux, surtout celui des tourterelles, qui ne nous ont jamais abandonnées.

Le premier dimanche de notre séjour, Evelyne et moi assistons à la messe dans l’église du village. C’était une occasion de faire la connaissance des Camborsiens, (314 habitants en 2018) qui en général, habitaient dans de belles propriétés.

A la sortie de la messe, une dame, d’un certain âge, avec sa canne, voilette devant les yeux, avec des gants, très coquettement habillée, ayant appris que j'étais libanais, me raconte aussitôt l’histoire de son livre sur St. Charbel qu’elle adore.

Une amie, à qui elle avait prêté le livre n’a plus voulu le lui rendre 

"et moi, je ne vous cache pas Monsieur, je suis très fâchée après elle. Vous comprenez Monsieur, j’adore St. Charbel." 

Je lui réponds: "Madame, ne vous en faites pas, l’année prochaine, en revenant du Liban, je vous en apporterai un nouvel exemplaire".

C’était un premier pas pour faire la connaissance de tout le village, de plus de 25 maisons. Il n’y avait aucun commerce, juste une ferme, avec quelques vaches et des poules. Notre lait était assuré, ainsi que nos œufs fraîchement pondus. C’était un rêve. Nous allions à Gisors, à 4 kilomètres pour faire nos courses.

L’année suivante, le dimanche à la sortie de la messe, la dame est toujours là. Je lui offre le livre de St. Charbel, enveloppé dans un papier cadeau . Elle est enchantée. Elle ouvre son sac, sort le gousset attaché, et se propose de me payer. Je refuse net.

Dans l’après-midi, vers 17 heures, nous étions installés dans le grand jardin, lorsque je vois arriver la dame (de St. Charbel) tenant un bouquet de superbes roses. C'était en guise de remerciements pour mon geste du matin. Nous l’invitons alors à se joindre à nous, mais elle refuse car ses poussins et son chat, l’attendent.

Nous étions en 1980, et Jocelyne venait de donner naissance à leur deuxième enfant, une petite fille répondant au doux prénom de Violaine.

Evelyne propose avec l’accord de Sérop, Jocelyne et Allain, de baptiser Violaine à Chambors.

Nous habitions un peu à l’écart. La maison se trouvait sur un petit monticule, à une centaine de mètres de l’église.

Le curé est d’accord pour venir célébrer le baptême, le samedi suivant, à 16 heures.

Evelyne me souffle alors: 

" Pourquoi ne pas inviter tous les habitants du village à participer à la cérémonie. Il y aurait une procession au départ de la maison vers l’église, le parrain, Alain, tenant Violaine dans ses bras, "

Je prends mon courage à deux mains, et commence à lancer les invitations en faisant du porte à porte. Tout d'abord, le maire, puis je vais sonner à la porte de tous les Camborsiens. Ils sont enchantés et acceptent avec joie de participer à l’événement.

Evelyne ayant prévu cette cérémonie avant de quitter Beyrouth, avait mis dans sa valise, la robe de baptême ayant servi à plusieurs générations d'enfants de la famille Delifer.

La procession se met en route.

Violaine, dans les bras d'Alain, en uniforme de pilote car il venait d'arriver d'un voyage, suivis de la plupart des invités. Certains d'entre eux nous attendaient sur le parvis de l’église, car ils ne pouvaient pas prendre part à la procession Aller/Retour.

Les invités les plus courageux, suivaient le cortège, les messieurs en grande tenue, les dames, élégamment habillées. 

En les invitant j’avais informé les participants qu'à l'issue du baptême, ils seraient tous invités à un verre de l'amitié dans le jardin de notre maison, pour fêter ce joyeux événement.

Dans les rues pavées du siècle dernier, ce cortège au beau milieu de Chambors, ressemblait à quelque chose d’étrange, d’une autre époque.

L’église était pleine quand le cortège, Alain, avec Violaine, suivis du maire, entre dans l’Eglise.

A cette occasion, Jocelyne a joué de la flûte. C’était très touchant.

Après la cérémonie, je me suis adressé à toute l’Assemblée en les remerciant d’être venus, et en les invitant chez nous à la maison participer à notre joie, devant un buffet libanais préparé par la maman et la grand-mère de Violaine.


Au jardin, c’était très cordial. Les vieux étaient heureux, et nous félicitaient de cette initiative, les dames n’en revenaient pas. C’était la première fois dans les annales de Chambors.

Les deux mamans s’étaient surpassées les deux derniers jours avant le baptême pour préparer la réception.

Tous les invités étaient heureux de goûter aux plats orientaux. Evelyne ( ambassadrice de la cuisine arméno/libanaise), avec son riz au poulet, (le riz du berger), a reçu les félicitations de tous.

Quelques années plus tard, Georges Kasparian, le frère d’Evelyne, a eu une maladie assez étrange. Il a été immobilisé, inconscient, à l’hôpital de Garches, (près de Paris)

Nous avons aussitôt pris l’avion pour soutenir Annick, son épouse, et comprendre exactement la maladie de Georges.

Alors que nous sommes dans le salon de l’hôpital, nous voyons passer un médecin avec sa blouse blanche. Jocelyne saute à son cou, en le suppliant de guérir son oncle chéri. Nous sommes très étonnés de cet élan spontané. Nous apprenons alors, qu'il s'agit du père d'un des élèves de Jocelyne. Elle nous présente le docteur qui justement, soigne Georges. Celui-ci répond aussitôt, qu’il connaît très bien Madame Delifer. Devant notre étonnement, il nous dit avec un sourire malicieux, en s’adressant à Evelyne,

" Madame, je vous connais très bien, car je garde un excellent souvenir de votre "Riz au Poulet", le jour du baptême de Violaine, à Chambors. "

En effet, ce médecin et sa famille, faisaient partie des invités au baptême.

Que de beaux souvenirs!

La semaine prochaine: Les poissons de Koweit...

Comments

  1. MAGNIFIQUE !
    Je me régale !!
    Un détail manque cependant: la date de chacune de tes aventures nous permettrait de mesurer la vitesse à laquelle ce monde que tu as connu a changé.
    Bon dimanche

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  2. Merci Serop l'aventurier, pour ce voyage dans le temps et le Liban d'autrefois... Je vais déguster ce nouveau chapitre avec délectation. Je suis encore sous le charme de ce paysan, Tanios, qui vous a ouvert son coeur et sa maison, résumant à lui seul, le sens de l'hospitalité libanaise. Je vous embrasse tous les deux ��.

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  3. Merci Lila d’avoir partagé avec moi la belle aventure de ton oncle Serop pour qui j’ai beaucoup d’affection pour toutes les raisons que tu connais. Ton oncle Serop, c’est toute mon enfance et mon adolescence à l’Embassy. C’est chez lui que j’achetais mes BD, mes papiers canson, mes crayons de couleur (pour colorer un quotidien bien gris par ailleurs). Je n’oublie pas non plus son attitude au moment du décès de mon père. Ton oncle Serop est un grand homme. Je lui souhaite longue vie!
    Sent from my iPhone

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  4. Bonsoir Tonton Sérop,
    Comme je te l'ai dit au téléphone, j'avais partagé ton histoire de la marche du Sud au Nord à un groupe d'amis et de collegues.
    J'ai reçu des remerciements et de beaux commentaires.

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  5. MAGNIFIQUE !
    Cher Serop, j'ai la gorge nouée, les yeux en larmes, le cœur gros ... de te lire....
    Quelle belle histoire ! aucun article ou reportage (de l'Orient le Jour ou autre magazine) ne pourrait décrire aussi bien le Liban d'antan, notre Liban, le vrai... je ne veux pas croire qu'il soit perdu.
    Continue de nous émerveiller de tes aventures rocambolesques, comme à chacune de nos randonnées, lorsque nous sommes réunis autour de toi au moment du pique-nique. Tu nous donnes courage et raffermis notre foi en ce pays béni des dieux.
    Merci encore.

    ReplyDelete
  6. Quelle belle surprise ! Revoir ces photos et lire ce récit me transporte dans un autre temps, où tout semblait si magique. J'ai la chance d'avoir le meilleur parrain du monde qui rentrait toujours de voyage, la valise remplie de cadeaux !
    Nous avons passé de tellement bon moments tous ensemble dans cette maison. Merci Daddy de nous les faire revivre !

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