Le souvenir de Monique, (la nièce d'Evelyne), reste dans ma mémoire comme étant un des souvenirs les plus attachants, quelque chose qui reste gravé au fond de mon cœur.
Tout commence par un appel matinal, d’Alphonse, (le mari de Jacqueline, la sœur d’Evelyne,) qui avec une grande joie nous annonce la bonne nouvelle:
"Sérop, cette nuit une mignonne petite fille, est née, Jacqueline vient d’accoucher, Dieu soit loué. Nous l’avons appelée, Monique."
Evelyne et moi, sommes étonnés. Nous nous attendions à cet heureux événement, mais pas de si tôt. Il fallait patienter 3 à 4 semaines de plus.
Nous courons à la Maternité Française: Jacqueline, heureuse , qui reprend des couleurs, nous annonce que le médecin a pris cette décision, ayant jugé que le bébé était trop fragile.
Alphonse me raconte alors, que les douleurs avaient commencé tôt dans la nuit. et qu'il n'avait pas voulu nous déranger,
Le Médecin confie à Alphonse, que la petite Monique, prématurée, s’est empressée de faire une surprise, en venant plus tôt que prévu.
Tout s’était bien passé, mais le médecin nous a avisé qu'il fallait faire extrêmement attention. Je commençais à avoir peur.
L’après midi, nous retournons à la Maternité,
Vers 20 heures, nous sommes sur le point de quitter, quand la cheffe soignante nous annonce qu’il faut absolument trouver de l’oxygène, car il en manque à l’hôpital. "Faites votre possible, ne tardez surtout pas, et revenez avant minuit."
Alphonse et moi, réagissons en même temps: Seul Air Liquide peut nous fournir la bonbonne d'oxygène demandée. En ville, tous les établissements sont fermés.
Avec l' Opel d’Alphonse, nous roulons à toute vitesse vers le dépôt central d’Air Liquide, qui se trouve près de la Compagnie d'Électricité.
Arrivés devant l’immeuble, il fait nuit noire, la grande porte est fermée, il est plus que 20 h.30. Tout est trop calme, nous sommes en retard. Alphonse allume les phares de la voiture pour voir s'il y a une sonnette, rien, on frappe à la porte, aucune réaction. On frappe de plus en plus fort, toujours rien, et s'il n’y avait personne?
Alphonse me dit, qu'en général, dans ces grands dépôts, il y a toujours un gardien pour assurer la sécurité, "il doit sûrement y avoir un gardien. Que devons nous faire?" Nous attendons là depuis une demie heure, désespérés.
Et la cheffe qui a insisté une bonbonne avant minuit. "Cette putain de m… elle aurait pu nous aviser un peu plus tôt." Toute la ville est fermée maintenant.. Nous ne pouvons pas rentrer les mains vides. Nous sommes devant un cas de conscience.
Nous sommes là, impuissants.
Nous retournons à la voiture, désespérés, immobiles dans le noir.
Tout à coup, Alphonse se lève: "ce n'est pas possible" me dit-il ,énervé. Il court vers la grande porte, enlève une de ses chaussures, frappe de toutes ses forces, comme s’il voulait calmer ses nerfs devant cette injustice.
Nous entendons des pas, "Qui est là?" Nous expliquons que nous cherchons une bonbonne. "Ouvrez s’il vous plait, au nom du Christ, ouvrez". Le gardien ouvre.
"Je ne peux pas vous donner une bonbonne, je ne suis que le gardien. Je serai renvoyé, j’ai une famille."
A son accent, Alphonse a tout de suite compris que le gardien est arménien. Il commence à lui parler comme à son frère, et lui demande son nom: Bédros, il lui explique la raison de notre demande. Et Bédros refuse toujours de nous fournir une bonbonne.
Nous voilà assis autour d'une table, et Alphonse avec son parler persuasif, réussit à convaincre le gardien.
L’argument fort qui a joué dans la balance, en notre faveur, est le fait qu'Alphonse, l’a sensibilisé jusqu’aux larmes, c’était sa dernière cartouche, en demandant à Bédros, s’il était marié, OUI, et au cas où il lui arrivait un cas pareil, quelle serait sa réaction? Bédros s'est alors laissé convaincre, …
OUF. Nous avons enfin pu obtenir cette bonbonne. Nous étions heureux. Monique était sauvée.
Pour calmer Bédros, nous lui promettons, que le lendemain nous serons à Air Liquide avant 8:00., heure de l’ouverture des bureaux, pour rencontrer le directeur personnellement, et lui expliquer, en détails, notre intrusion. Cela pour que Bédros ne soit pas inquiété.
J’ai voulu régler Bédros, mais il a refusé. C'était un bon point, en sa faveur, au cas où il faudrait défendre son cas auprès de la direction.
Le lendemain matin, Alphonse passe me chercher, dans sa voiture. Il est presque 8:00.
Après dix minutes d'attente, nous sommes reçus, chez le directeur. C'est un jeune Français, très sympathique, qui nous demande la raison de notre visite. Après avoir fait un résumé de notre intrusion, Alphonse le supplie de ne prendre aucune sanction contre Bédros. Au péril de son travail, le gardien a sauvé le bébé. Il nous le promet
Je lui dis alors, que notre deuxième souhait est de régler la facture de la bonbonne.
Il refuse, en disant que la somme représente sa participation au cadeau de la petite ange, et en souhaitant à Monique tout le bonheur possible.
Nous n’oublierons jamais le geste généreux de ce monsieur, inconnu, il y a quelques minutes. Quelle grandeur d’âme!
Le surlendemain, à 20:00, nous voilà de nouveau devant la porte d' Air Liquide. Au premier coup, de sonnette, Bédros nous reconnaît et ouvre la porte.
Alphonse voulait s'assurer que la direction ne lui avait fait aucun reproche.
En partant, il lui remet une enveloppe en guise de remerciements, et lui remet sa carte de visite, au cas d’une surprise inattendue de la part de la direction.
Par ce geste, je reconnais Alphonse.
Monique a fait des études de lettres et de piano.
Elle enseigne le piano au Conservatoire de Grasse.
Mais le plus important pour elle, reste le bonheur de sa famille et des ses trois petits enfants.
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Cinquante ans plus tard.
Nous sommes invités à déjeuner chez des amis. Nous connaissons tout le monde, sauf une dame, étrangère. Notre amie nous présente à cette dame, française, ayant vécu au Liban. Elle est de passage, et nous apprenons que son mari a été le directeur d' Air Liquide.
Je me souviens aussitôt de notre odyssée. La dame nous apprend alors, que son mari est décédé.
Je lui demande si elle veut bien que je lui raconte, dans quelles circonstances, j’ai fait la connaissance de son mari, sa gentillesse, sa générosité, ainsi que son cadeau à la petite Monique.
"Oui, je reconnais bien là mon mari", me dit la dame avec émotion," merci de m’avoir raconté cette histoire, C'est une belle histoire, je suis très émue. Mon mari était un homme d'une grande générosité".
Merci Sérop pour ce récit poignant ! La bonbonne d'oxygène cumule déjà 7 vies. Bravo Bédros ! Quelle coïncidence aussi que tu nous livre ce récit aujourd'hui précisément...
ReplyDeleteHello, Bravo 🎉 Bedros , grâce à toi Monique a vu le jour . Bel élan de générosité grâce à cette chaîne de solidarité. Monique tu as eu des difficultés pour goûter à tes premiers soupirs , aujourd’hui ton cœur bat différemment pour toute ta famille et si tu as à choisir un jour entre un soupir et un je t’aime , choisis le soupir pour leur dire je vs aime ❤️
ReplyDeleteMerci pour cette belle histoire qui montre la solidarité familiale sans toute sa splendeur.
ReplyDeletePour la petite histoire, Allain a eu comme voisin de chambre à l’hôpital, un ex grand ponte d’Air liquide. Il avait parcouru le monde entier et avait séjourné au Liban.
Quel hasard incroyable !
Miracle de la vie ! et si belle générosité, le coeur palpite en lisant ce texte.
ReplyDeleteMerci de partager ces moments uniques .
Sur notre chemin, il y a des rencontres qui transforment la réalité en rêve.
Voeux de bonheur et succès à tte la famille.
Récit très touchant. Quel hasard que cette rencontre avec la femme du directeur d'Air Liquide après 50 ans. Vivement mercredi prochain.
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